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slavisée. Dans les montagnes du Péloponnèse, les Milinges et les Ézérites du Taygète, qui étaient des Slaves, les Mardaïtes du Magne, qui passaient pour les descendans des anciens Spartiates, sonnaient dans leur indépendance et leur paganisme, bravaient l’autorité de l’empereur et recevaient ses percepteurs ou ses soldats comme les Monténégrins ont longtemps accueilli ceux du sultan. Les populations helléniques ou romaines de la Dalmatie se défendaient à grand-peine contre les pirates serbes ou croates ; celles de l’Italie méridionale luttaient contre les invasions germaniques, celles de l’Archipel et de la Crète étaient insultées par les forbans arabes, celles de la Crimée se débattaient avec les Khazars et les Petchenègues. Sur les confins de l’empire, la guerre était donc partout. Souvent on ne s’y défendait contre les barbares qu’en les recevant, en les colonisant sur les terres de la monarchie, qui dès lors perdaient leur caractère hellénique et échappaient à l’influence intellectuelle de Byzance.

De toutes ces frontières, la plus souvent assaillie peut-être était celle de l’Orient. Ces lignes de l’Euphrate et du Tigre pour lesquelles avaient combattu les grands empereurs romains, les Trajan, les Probus, les Julien, l’armée byzantine essayait de s’y maintenir ou de les recouvrer. Aux Perses qu’avait victorieusement combattus Héraclius succédèrent les Arabes, ses vainqueurs. Au Xe siècle, il y avait déjà trois cens années qu’on luttait contre eux. Sarrasins et Byzantins se combattaient presqu’à force égale, et, bien que la guerre fût continuelle, les limites se déplaçaient fort peu. C’est que les Arabes, comme avant eux les Perses, n’étaient point des barbares. Ils opposaient aux Grecs, non des hordes tumultuaires qui du premier élan se répandaient sur tout l’empire et qui succombaient ensuite devant sa force renouvelée, mais bien des troupes régulières, des légions disciplinées, qui avaient presque les mêmes armes offensives, les mêmes armures, la même tactique, les mêmes principes de fortification et de castramétation que les Byzantins. Eux aussi étaient, quoique indirectement, les héritiers du vieil art militaire des Romains. Il en résultait qu’à chaque campagne on se bornait ordinairement à livrer quelque combat, à emporter quelque forteresse. À moins que l’un des deux états ne fût profondément ébranlé par quelque révolution intérieure, il n’y avait pas de grands succès à espérer pour aucune des deux armées. De cette guerre déjà trois fois séculaire, mais en somme peu dangereuse, on avait fini par prendre son parti ; elle constituait comme un modus vivendi normal entre les deux monarchies.

Pour la soutenir avec plus d’avantage, l’empire grec avait organisé ses provinces en gouvernemens militaires qu’on appelait des thèmes et à la tête desquels il y avait un chef appelé stratége. Les