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sagesse un peu désabusée et ses habitudes de travail. C’est pour le moment le plus clair de ce chapitre d’histoire parlementaire qui vient de se clore le 4 août, en attendant le chapitre nouveau qui s’ouvrira le 4 novembre pour finir le jour où il plaira à l’assemblée de déclarer que l’heure est venue pour le pays d’éprouver les institutions régulières qui lui ont été données.

Non, assurément le mal de la France aujourd’hui ne vient point de la France elle-même. On l’a vu plus d’une fois depuis quatre ans, et on le voit tous les jours ; la France est la nation la plus facile à conduire. Elle n’a ni exigences ni passions factieuses, elle ne demande qu’à respirer, à vivre et à travailler dans la paix intérieure comme dans la paix extérieure. Elle a déployé assez de courageuse activité pour réparer ce qu’il y avait de moins irréparable dans ses désastres, elle est assez sage pour se prêter à bien des nécessités comme elle s’est résignée à bien des sacrifices. Avec elle, il n’y a vraiment aucune difficulté. Le mal vient de ceux qui ont toujours la prétention de se créer une France à eux et selon leurs rêves, qui font de la politique avec leurs obstinations ou leurs préjugés, et qui, à l’heure même où l’on croit avoir assuré, ne fût-ce que pour quelques années, la paix nationale dans des institutions définies, s’efforcent encore de perpétuer l’incertitude et la confusion. Le mal vient de ce travail ou de cette incohérence des partis, dont les derniers jours de la session ont offert le singulier spectacle et qui n’a d’autre résultat que d’altérer la réalité des choses, de fausser toutes les situations en laissant le pays défiant et fatigué de tout. On a beaucoup parlé récemment du danger des équivoques, de la nécessité de les dissiper : c’était un moment à qui se montrerait le plus hardi à « déchirer tous les voiles, » comme on le disait, et la vérité est qu’avec tout cela, avec ces fières déclarations, suivies de polémiques plus bruyantes encore, on n’a déchiré aucun voile, on n’a rompu avec aucune ambiguïté ; l’équivoque subsiste pour tout le monde, pour les partis comme pour le gouvernement, parce qu’au lieu de s’en tenir franchement à des conditions d’organisation publique acceptées en commun, chacun paraît craindre de se livrer et semble garder une arrière-pensée. Dans ces explications et ces conflits qui ont éclaté aux derniers momens.de la session, il n’y a eu qu’une chose assez distincte, c’est qu’au fond on ne s’entendait guère et que de toutes parts on se débattait dans une situation également fausse pour les uns et pour les autres.

La gauche, quant à elle, a certainement montré un esprit politique des plus sérieux en se prêtant à toutes les concessions nécessaires pour arriver à cette organisation constitutionnelle de la république, créée le 25 février, plus ou moins complétée par la loi sur les pouvoirs publics, par la loi sur le sénat. Elle a fait des sacrifices d’opinion, et on pourrait dire des sacrifices de traditions, elle a subi la puissance des choses, elle