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regrets et de toutes les espérances, venant tour à tour offrir au pays une révolution pour la « vraie » république ou une révolution pour la « vraie » monarchie.

Le mérite du centre gauche est d’avoir depuis longtemps pris position sur ce terrain, d’avoir été le plus actif promoteur de cette politique modérée, sensée, dont une des plus récentes expressions est le discours que M. Laboulaye a prononcé, le jour même où la session finissait, dans une réunion de ses amis. M. Laboulaye a raconté simplement, avec un ingénieux bon sens, l’histoire des efforts du centre gauche, les péripéties de cette œuvre de transaction qui se résume aujourd’hui dans les lois constitutionnelles. Au risque d’éclabousser les pontifes du radicalisme, il ne prétend en aucune façon avoir satisfait « les hommes qui se font gloire de poursuivre l’absolu, » et il avoue même spirituellement n’avoir jamais rencontré cet absolu dans l’infinie variété des institutions humaines. « Nous nous sommes modestement contentés, dit-il, de nous associer à toutes les tentatives qui ont été faites pour donner au pays un gouvernement régulier. » Il existe désormais, ce gouvernement régulier, et la meilleure manière d’être conservateur, c’est de s’en servir le plus tôt qu’on pourra et le mieux possible pour le bien pratique du pays. Est-ce que cela ne suffit pas pour rallier dans une action commune tous ceux qui ne subordonnent point l’intérêt de la France à des intérêts de parti ? Qu’on laisse donc une bonne fois de côté toutes les prétentions vaines et les conflits d’arrière-pensées, les mélancoliques réserves de M. le marquis de Franclieu pour le roi, et les revendications de M. Louis Blanc pour « l’absolu » démocratique ; qu’on cesse d’agiter ces problèmes constitutionnels, qui sont résolus autant qu’ils pouvaient l’être, et, au lieu de s’épuiser en subtilités passionnées, qu’on aille tout droit aux affaires sérieuses, aux plus pressantes réalités nationales ; qu’on aborde résolument et sans parti-pris toutes ces questions de finances résumées dans le dernier budget, et ces questions agricoles habilement exposées dans un rapport de M. de Dampierre, et ces questions d’organisation militaire que la presse anglaise vient de réveiller, et ces questions d’enseignement dont les récentes distributions de prix ravivaient l’intérêt. Voilà sûrement de quoi passionner des hommes préoccupés avant tout de la France.

Armée et finances, ce sont les deux grands ressorts d’une nation. Ce qui en est de notre armée, de notre réorganisation militaire, deux journaux anglais viennent d’essayer de le dire à leur manière, non sans témoigner une sympathie réelle pour les malheurs et pour les efforts de notre pays. Seulement le recueil qui a soulevé cette discussion voit, en vérité, les choses sous un jour un peu sombre ; il est surtout frappé de l’incertitude de direction, de la persistance meurtrière de la routine, de l’inefficacité de nos réformes, de l’insuffisance de nos effectifs, et en