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dépossédèrent sur les bords du Nil l’antique écriture sacrée quand la prédication de l’Évangile eut fait proscrire les hiéroglyphes, si profondément empreints du vieux paganisme pharaonique. Ce qui devait arriver pour les Slaves convertis par Cyrille et Méthodius se produisit pour les Égyptiens éclairés des lumières de l’Évangile. L’alphabet grec, augmenté de quelques lettres fournies par l’écriture hiératique, remplaça les hiéroglyphes, et désormais les livres ne furent plus écrits que dans cet alphabet que nous appelons l’alphabet copte. De même qu’il n’est aucune nation de l’antiquité qui ait étendu plus loin ses conquêtes que les Romains, il n’est aucun alphabet dont la propagation ait été plus grande que l’alphabet latin. Il pénétra partout où les apôtres de la foi catholique allaient porter la liturgie latine, se faisant ainsi accepter par des peuples d’idiomes d’une tout autre famille que le latin ; mais, si l’empire de cet alphabet fut vaste, il fut aussi le plus exposé à des variations suivant les pays et suivant les âges, en sorte qu’il finit, tout en gardant la même composition, par se partager en une foule de tracés qui constituèrent des variétés graphiques particulières. Les lettres latines furent donc, comme les œuvres littéraires des Romains, plutôt des modèles qu’on imita de loin que des types qu’on reproduisit servilement. L’ignorance des uns, le caprice des autres, des convenances particulières, des prédilections locales, modifièrent peu à peu la forme des lettres et la manière de les unir. L’écriture prit graduellement dans chaque contrée principale une physionomie originale, et qui donna naissance, quand se multiplièrent les monumens des langues nationales, à des configurations tout à fait distinctes. L’alphabet latin a passé par des transformations presque aussi nombreuses que celles que traverse le vieil alphabet phénicien pour arriver aux belles capitales qu’on trouve gravées sur les édifices du règne d’Auguste.

La connaissance de l’histoire de cette écriture est l’objet d’une science spéciale qu’on nomme la paléographie ; chaque pays a la sienne, et en France, grâce aux travaux des bénédictins, complétés par ceux de plusieurs érudits contemporains, par ceux surtout qui fondèrent ou qui ont continué l’enseignement de l’École des chartes, la paléographie, comme sa sœur la diplomatique, est devenue une connaissance des plus sûres et des plus positives ; elle rend à l’histoire d’inappréciables services. La succession des formes, je serais tenté de dire des modes qu’on a adoptées pour les lettres est elle-même une histoire des plus intéressantes qu’on peut lire dans des traités tels que ceux de MM. Natalis de Wailly, W. Wattenbach, C. Lupi. Le musée des Archives nationales offre au public une curieuse collection de documens de tout genre s’étendant du VIIe siècle jusqu’au commencement du nôtre, et qui donne une idée complète