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exactement, les lenteurs ne sont pas moins inégales. Il faut à une marchandise 16 jours pour aller de Reims à Marseille, 19 jours de Dijon au Havre, 20 jours de Dijon à Bordeaux, 18 ou 24 jours de Dijon à la frontière belge, tandis qu’il faut seulement 9 jours pour aller de Rouen à Marseille, et 9 jours aussi de Rouen à Saint-Nazaire. Sur beaucoup de points, les chambres affirment que les délais actuels ne sont pas inférieurs à ceux de l’ancien roulage. D’ailleurs les délais réglementaires dépassent de beaucoup la vitesse réelle ; la marchandise séjourne en gare, bien inutilement pour les compagnies, fort mal à propos pour les négocians. Plusieurs chambres demandent la suppression complète de la petite vitesse pour les marchandises de valeur, ou l’établissement d’une vitesse moyenne comme en Angleterre, et s’efforcent de démontrer que la célérité des expéditions égale en importance le bon marché des transports. Quel que soit le régime des chemins de fer, ces griefs se recommanderont de plus en plus à l’attention publique : si les grandes compagnies sont libres, qu’elles organisent une entente, comme elles savent très bien le faire quand leurs intérêts sont en jeu, — si la concurrence l’emporte, qu’on lui laisse le soin de ramener le tarif au taux le plus bas possible ; mais, si l’état exerce un contrôle, que cette intervention soit efficace, et que le gouvernement impose aux compagnies le programme suivant : développement des tarifs d’exportation, uniformité de ces tarifs entre eux, égalité avec les tarifs de transit, révision de tous les tarifs spéciaux en vue d’établir une législation homogène, et réforme des délais de petite vitesse.

Dans les contrées lointaines où nous devons pousser notre propagande commerciale, en quoi le gouvernement peut-il appuyer ces missionnaires d’un nouveau genre ? Il a sous la main une armée de consuls répartis dans le monde entier et le plus souvent grassement payés. L’honneur du nom français les maintient encore dans des lieux d’où notre trafic est absent, et, faute de mieux, ils sont réduits à faire de la politique. Ne sont-ce point des escadrons tout préparés pour nous déblayer le terrain ? n’est-ce point un avantage que d’avoir dans tous les déserts quelques hommes cultivés auxquels s’adresser d’abord ? Cependant les rapports entre nos consuls et le commerce sont singulièrement froids. On dirait que les premiers craignent de se commettre avec les négocians ; ceux-ci s’adressent de préférence aux consuls étrangers pour les informations ; les chambres de commerce, comme corps constitués, n’ont aucun rapport avec nos agens. Rouen a demandé pendant six mois des renseignemens sur les tissus de coton consommés au Brésil, et n’a pu les obtenir. Chalon-sur-Saône, après une tentative du même genre, a reçu cette réponse : les consuls ne donnent pas de renseignemens. Lyon reçoit dans ses murs la plupart des ministres