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d’Orsay à l’étranger ; elle compte quinze têtes seulement. C’est peu pour défrayer cent vingt postes de consuls, sans compter les vice-consulats les plus importans, et cependant c’est encore trop, parce que le système, en raison même de son insuffisance, comporte beaucoup de passe-droits et d’exceptions. Si l’entrée de la carrière était plus large, le cours en serait moins disputé par des agens improvisés. Il suffirait pour cela de demander aux aspirans des preuves d’aptitude, plutôt que de beaux états de service comme surnuméraires. Il faudrait qu’une éducation diplomatique ne leur inspirât pas le plus profond dédain pour le poivre et la cannelle. Déjà le temps du surnumérariat est abrégé ; les épreuves qui le précèdent deviennent plus sérieuses ; les chancelleries et les vice-consulats, c’est-à-dire la pratique et l’expérience, fournissent leur contingent. L’opinion aidant, on peut espérer que les défenseurs naturels de nos intérêts lointains regarderont comme le plus beau privilège de leur charge de nous préparer des conquêtes pacifiques.

Ce ne sont pas seulement des conseils que le commerce français trouve à l’étranger : le pavillon français flotte encore sur bien des terres éloignées, sans parler de l’Algérie. On a beau nous refuser l’esprit colonisateur : en fait de colonies agricoles, nous n’avons guère de supérieurs que les Anglais, d’égaux que les Hollandais. Seulement ces deux peuples ont choisi deux systèmes bien tranchés : les premiers ont des colonies libres, grandissantes, traitant d’égal à égal avec la métropole ; les seconds se contentent d’une bonne ferme administrative, qu’ils exploitent sur le plus beau territoire de l’Océanie. La France hésite encore entre le passé et l’avenir. Elle a deux ou trois régimes différens pour ses possessions d’outre-mer. Les anciennes, Martinique, Guadeloupe, Réunion, languissent dans l’incertitude. On a voulu les rendre libres sans les détacher de la métropole, ce qui est contradictoire. Passe pour l’Algérie, qui, placée à nos portes, peut être gouvernée comme un prolongement du territoire ; mais pour nos colonies lointaines, est-ce assez de leur donner une place dans nos assemblées ? Y a-t-il équilibre, analogie, entre nos besoins et les leurs ? Un sénatus-consulte de 1866, assez ambigu dans les termes, accordait à leurs conseils-généraux une certaine latitude en matière de douane et d’octroi : elles se sont élancées avec ardeur dans cette voie, elles ont cru pouvoir disposer de leur tarif, mettre Français et étrangers sur le même pied. Aussitôt grand émoi dans le commerce de la métropole ; oubliant son libéralisme de fraîche date, il réclame l’exécution des anciens engagemens, c’est-à-dire cette réciprocité impérieuse qui impose à nos colonies des relations françaises. Le conseil supérieur du commerce a condamné la décision des conseils-généraux comme illégale. Les argumens ne manquent point pour démontrer à nos