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l’assemblée avait attribué les biens du clergé à la nation, sous réserve de pourvoir aux frais du culte ; puis elle décréta la suppression des communautés religieuses. L’exécution de ses mesures, confiée au directoire du département, ne semble pas avoir soulevé de protestations bien vives à Troyes. Les religieux recevaient, en compensation de leurs revenus séquestrés, des pensions presque équivalentes ; bien plus, la plupart quittaient leur monastère d’assez bon cœur. De la part des chanoines, il y eut moins de résignation ; mais ils étaient, eux aussi, des privilégiés ; après avoir excité l’envie, ils inspiraient peu de compassion. Lorsque survint la loi sur la constitution civile du clergé, ce fut autre chose. Les circonscriptions épiscopales étaient atteintes, les paroisses même étaient modifiées ; les évêques aussi bien que les curés devaient à l’avenir être élus par leurs paroissiens ; enfin le pouvoir civil demandait aux prêtres, non plus seulement de se soumettre à la loi, mais en outre de manifester leur adhésion par un serment solennel. C’était la répétition, — mais avec moins de gravité, car cette fois le dogme était hors de cause, — des mesures violentes par lesquelles l’ancienne monarchie avait imposé l’observation de la bulle Unigenitus. L’évêque, Louis de Barral, refusa le serment sans hésitation. Dubois, qui était député du clergé à la constituante, revint à Troyes et rassembla dans son église les adversaires de la constitution civile afin de protester bruyamment contre les décrets de l’assemblée dont il faisait partie. Dans cette réunion, qui ne fut pas aussi calme que le commandait la sainteté du lieu, on eut le spectacle singulier d’un laïque, le lieutenant-général de police Sourdat, montant en chaire pour affirmer ses croyances. Les officiers municipaux, aidés de quelques gardes nationaux, dispersèrent les fidèles ; mais il n’y eut aucune poursuite. Le sage Beugnot, que l’affaire regardait en sa qualité de procureur-syndic, sut convaincre ses collègues du directoire qu’une procédure aigrirait les esprits. La plupart des prêtres de campagne, les oratoriens, adhérèrent sans difficultés aux décrets constitutionnels. Il n’y eut en somme que vingt et une cures vacantes dans le district de Troyes par refus de serment. Les électeurs, convoqués à la cathédrale, élurent pour évêque un curé de la ville, Sibille, homme âgé et bienfaisant, dont les qualités morales n’étaient pas contestables. Louis de Barral dut quitter alors le palais épiscopal ; il le fit du moins avec dignité, et, retiré d’abord à Nangis, ensuite à Trêves et en Suisse, il s’occupa de venir en aide aux ecclésiastiques insermentés que la perte de leur traitement réduisait à l’indigence. Au fond, malgré quelques protestations bruyantes de la part des réfractaires et quelques manifestations exaltées des partisans de la constitution civile, la réforme s’opéra d’une façon assez