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ces deux congrès ont été tenus en même temps ; un seul aurait suffi à la rigueur, car leurs programmes ne différaient point d’une manière sensible. Toutefois, en dépit des programmes, et quoique le principe moderne de la division du travail eût pu paraître entaché d’hérésie à des gens qui veulent revenir à la société et même à l’industrie du moyen âge, chacune de ces assemblées poursuivait un but spécial : à Poitiers, on s’occupait principalement de la question de l’enseignement et des moyens pratiques de tirer parti de la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur ; à Reims, on s’occupait presque exclusivement des œuvres ouvrières catholiques. Nous avons peu de chose à dire du congrès de Poitiers, dont nous ne connaissons d’ailleurs les travaux que par les comptes-rendus fort incomplets des feuilles religieuses. Nous savons que Mgr Cartuyrels, vice-recteur de l’université libre de Louvain, y a exposé dans un discours substantiel l’histoire de la fondation et des progrès de cette institution ; nous savons aussi que Mgr Nardi, auditeur de rote, a jugé à propos de protester contre l’enseignement libre qui a lui donne le frisson » et qu’il a assimilé à l’empoisonnement des rivières. On s’est étonné de cette protestation, dont il était permis de contester tout au moins l’opportunité. Ne venait-elle pas en effet à l’appui de cet argument d’ailleurs peu libéral de ces libéraux doctrinaires qui refusent le bénéfice de la liberté aux ennemis de la liberté ? Mais Mgr Nardi pouvait-il laisser passer sans protestation une hérésie formellement condamnée par l’encyclique et le Syllabus ? Pie IX n’a-t-il pas, dans cette dernière pièce, qualifié de « liberté de la perdition » le droit prétendu, que les citoyens posséderaient « de répandre publiquement et extérieurement leurs pensées soit par la parole, soit par la presse, soit par tout autre moyen ? » Mgr Nardi s’est borné à rappeler, en matière d’enseignement, la pure doctrine de l’église. Sa protestation n’était-elle pas en quelque sorte obligée ? En revanche, le R. P. Sambin, de la compagnie de Jésus, n’a-t-il pas été au-delà du nécessaire en faisant, dans un rapport sur l’importance et la nécessité des nouvelles facultés de droit au point de vue catholique, l’apologie du droit divin ? On a vu plus haut que M. de Montalembert avait engagé les catholiques à ne pas reculer devant le suffrage universel, sans se montrer d’ailleurs plus épris de la souveraineté du peuple que du droit divin. Selon le P. Sambin au contraire, tout le mal social dont nous souffrons provient uniquement de ce faux principe, en vertu duquel « le pouvoir ne descend plus de Dieu, sa source première, mais du peuple qui le délègue. » Où était la nécessité de cette profession de foi, personne n’ayant, que nous sachions, défendu le suffrage universel et la souveraineté du peuple au