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Moulis, dans la vallée latérale du Lez, l’église fut détruite, le cimetière raviné et les croix de bois emportées par les eaux. Ce que je viens de dire sur l’Ariége, l’Arize et le Salat peut s’appliquer sur une moindre échelle aux petites vallées qui débouchent dans ces rivières. Il n’est pas un seul canton qui n’ait eu sa part de dévastations. En thèse générale, on peut dire que les gaves de cette région de la chaîne, subitement grossis par les pluies du 22 juin, préludèrent dans la matinée du 23 par des désordres de peu d’importance dans les gorges qu’ils traversaient ; les dévastations proprement dites commencèrent au débouché des montagnes lorsque, les torrens apportant dans la rivière qui forme le thalweg de la vallée, l’énorme trombe d’eau qui depuis deux jours s’abattait sur toute la chaîne, le fleuve ainsi fermé, débordant de toutes parts, se répandit dans la plaine, et emporta tout ce qu’il rencontrait sur son passage.

Pour compléter ce que j’avais à dire sur l’Ariége, il ne me reste plus qu’à parler de la catastrophe de Verdun, petit village assis dans une gorge verdoyante, sur la rive droite de l’Ariége, à 1 kilomètre environ de cette rivière, entre les thermes d’Ax et les thermes d’Ussat. De hauts plateaux entrecoupés d’étangs dominent ce site. À quelque distance en amont du village, sur le bord du ruisseau qui traverse la gorge, se trouvait un arbre déraciné et couché à terre. Personne n’y avait prêté aucune attention et n’avait songé à le déplacer. Des roches, des terres, d’autres arbres, entraînés par les pluies, étaient arrêtés au passage et formaient une sorte de barrage au-dessus du hameau. Ce premier barrage avait été emporté, du moins en partie, par le torrent pour aller se reformer plus bas, être entraîné de nouveau et se reconstituer encore plus loin, augmentant chaque fois de volume et chaque fois aussi se rapprochant de Verdun. La dernière digue ainsi formée céda avec un bruit formidable dans la nuit du 22 au 23, sur les quatre heures du matin, en rasant toute la partie du village qui se trouva sur sa course. 50 maisons sur 70 étaient détruites, 500 têtes de bétail avaient péri, 72 personnes restaient ensevelies sous les décombres. Les habitans qui avaient survécu à l’horrible catastrophe, aidés bientôt par un détachement du 120e de ligne accouru en toute hâte de Foix, s’occupèrent à déterrer ces malheureuses victimes afin de leur rendre le dernier devoir ; puis ce détachement fut remplacé par une compagnie du génie appelée de Montpellier pour aider les habitans à déblayer les ruines du village. Une scène fut particulièrement navrante. À un moment donné, un habitant remue la vase avec une bêche. Lorsqu’il retire l’instrument, il met à nu l’extrémité d’un foulard. La bêche est abandonnée, les recherches continuent avec les mains. On découvre une tête d’homme, puis à côté et comme collée à la première une tête de