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les inondations de la garonne.

premier étage. C’est d’ordinaire dans les villes de la région pyrénéenne que les demeures tenaient bon, c’est dans la plaine qu’elles cédaient à l’action des eaux. Saint-Girons et le Mas d’Azil par exemple, situés sur les derniers contre-forts des Pyrénées ariégeoises, sont sortis intacts de l’inondation, bien que certains quartiers aient été complètement envahis, tandis qu’Auterive et Pinsaguel, placés un peu plus bas, tout à fait dans la plaine, ont été cruellement dévastés. Cette anomalie s’explique, si l’on considère la nature du terrain sur lequel s’élèvent ces villes, car, le sol fournissant les matériaux de la construction, la solidité de celles-ci dépend uniquement de la constitution géologique du pays. Dans toutes les villes situées au bas des Pyrénées, on trouve le calcaire qui fournit à la fois les deux élémens essentiels de toute bonne maçonnerie : la chaux et la pierre à bâtir. En s’avançant dans l’intérieur de la montagne, le calcaire est remplacé par le granit, et les constructions n’en valent que mieux. La chaux du reste ne fait jamais défaut. Il n’en est plus de même quand on descend dans la plaine, uniquement formée de terrains d’alluvion. Là, plus de chaux, plus de pierres à bâtir. On peut, il est vrai, y suppléer par la brique ; on a vu élever ainsi des monumens d’une remarquable solidité. Toulouse est tout entière bâtie en briques, et certains édifices, comme l’Hôtel-Dieu, ont soutenu l’assaut des flots sans se laisser entamer. Malheureusement il n’en a pas été de même de la plupart des habitations particulières, dont les propriétaires ont pour premier principe d’architecture de tout sacrifier à l’économie. Ces derniers suppriment volontiers la chaux, que l’éloignement rend trop coûteuse, sauf à la remplacer par du mortier en terre, et se servent de brique crue au lieu de brique cuite. De là les résultats les plus divers et des incidens inexplicables au premier abord dans l’effondrement des maisons. Les voyageurs qui au lendemain de l’inondation se rendaient au faubourg Saint-Cyprien par l’avenue de Muret étaient surpris de la variété que présentaient les squelettes des maisons qui bordaient la route. À côté d’habitations entièrement détruites, on voyait des façades intactes, mais les murs latéraux et celui de derrière étaient tombés. Plus loin, les quatre murailles restaient debout, et cependant le toit et les planchers s’étaient écroulés. Tout cela tenait uniquement à la quantité de chaux et à la nature des briques employées. La plupart des demeures, étant bâties avec de la brique crue et du mortier d’argile, ne pouvaient opposer aucune force de résistance, et s’étaient écroulées tout entières. Quand une façade seule était debout, cela signifiait qu’elle avait été construite avec de la brique cuite et de la chaux, tandis que le reste de la bâtisse, fait négligemment et avec de mauvais matériaux, avait subi la loi com-