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les inondations de la garonne.

a établi si heureusement au Pic du Midi de Bigorre, et de compléter cette mesure par la création d’un service spécial chargé d’annoncer les crues de la Garonne à toutes les localités situées sur le cours du fleuve, dès que ces crues commencent à se manifester en amont. Dès son arrivée à Paris, le ministre a effectivement nommé une commission d’ingénieurs chargés d’examiner toutes les questions qui se rattachent à la solution d’un tel problème. Espérons que cette impulsion portera ses fruits et aboutira sous peu à des résultats pratiques.

Envisagée à un autre point de vue, l’inondation du 23 juin n’est pas sans enseignement. Plus d’un géologue s’était demandé, en étudiant les alluvions qui forment le sol de nos vallées et qu’on attribue généralement à l’action des anciens glaciers, si on n’accordait pas quelquefois trop d’importance aux phénomènes de l’époque glaciaire, et si dans quelques cas il ne convenait pas de rapporter aux inondations de l’époque actuelle la partie la plus superficielle de ces dépôts. Pour ma part, il y a longtemps que je m’étais posé cette question, en Espagne dans la vallée de l’Èbre, en Amérique dans celle du Parahyba, à la vue de certains blocs erratiques attribués par la science moderne aux anciens glaciers des montagnes qui couronnent ces vallées, tandis qu’il me paraissait à la fois plus simple et plus rationnel de n’y voir que les suites d’inondations relativement récentes. Les immenses dépôts accumulés dans certains coins des Pyrénées lors des débordemens du 23 juin viennent de donner une nouvelle force à cette manière de voir. Un géologue bien connu par ses recherches sur l’époque préhistorique, M. Cartaillac, a lu devant la Société d’histoire naturelle de Toulouse un travail où il raconte les résultats de ses voyages dans les diverses vallées pyrénéennes visitées par l’inondation. Le passage suivant, emprunté à son récit sur le village de Verdun, résume les appréciations nouvelles qui commencent à se faire jour dans cette partie de la science. « L’énorme dépôt qui s’est formé sur l’emplacement du village offre une certaine analogie avec ceux que l’on appelle morainiques, et qui sont l’œuvre, soit des glaciers actuels, soit des glaciers anciens bien autrement considérables ; la ressemblance est d’autant plus exacte que les élémens de ce dépôt sont empruntés aux véritables moraines qui tapissent les petites vallées. Les caractères que M. Charles Martins signale dans les fausses moraines y manquent, sauf celui qui résulte des galets striés. Cette observation permettrait peut-être de faire jouer un rôle plus considérable aux eaux torrentielles dans la formation de collines d’alluvion à grands blocs que plusieurs géologues attribuent seulement à l’époque et à l’action immédiate des glaciers primitifs. »