Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 11.djvu/607

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parlemens et aux évêques. Le parlement les examinait, et s’il les jugeait contraires aux libertés gallicanes, il refusait de les enregistrer, et en appelait non pas des bulles elles-mêmes, mais de l’exécution de ces bulles. Lorsqu’il les avait condamnées, il en prononçait la suppression : dans ce cas, il leur donnait le nom d’écrits ou de libelles, et, bien loin de les imputer au pape, il s’efforçait de prouver qu’elles étaient contraires à ses intentions. Il pouvait alors les faire brûler sans scrupule, ce qui lui arrivait souvent ; il restait seul coupable de l’auto-da-fé, et quand le saint-siège élevait des réclamations, on lui répondait que l’indépendance du parlement était consacrée par les lois de la monarchie, et qu’il pouvait bien refuser d’enregistrer les bulles des papes, puisqu’il avait souvent refusé d’enregistrer les ordonnances des rois.

On le voit par ce qui vient d’être dit, tout en s’honorant du titre de fils aînés de l’église, tout en restant unis au saint-siège, les rois de France, sous la dynastie capétienne, ont énergiquement maintenu contre lui l’indépendance de l’état et de la société civile. Ils ont brisé par la théorie des libertés gallicanes le joug de la servitude ultramontaine ; mais au nom de ces mêmes libertés les derniers Valois et les Bourbons ont placé l’église nationale sous l’absolutisme de la couronne. Une ordonnance de Charles VI, promulguée en 1418, avait décrété que les élections, confirmations et collations de bénéfices seraient faites par les ordinaires, auxquels le droit en appartenait, « cessant toutes résignations et bulles apostoliques. » Cette ordonnance fut confirmée en 1439 par la pragmatique de Bourges, que l’on peut regarder comme l’un des premiers manifestes de la réaction antipapiste qui devait un siècle plus tard séparer de la cour de Rome une partie de l’Europe. Cette pragmatique, appuyée sur les décisions du concile de Bâle, maintenait au clergé le droit d’élection et enlevait au saint-siège la faculté de lever, aucun tribut dans le royaume sous prétexte de promotion aux fonctions ecclésiastiques ou de collation de bénéfices. Tous les ordres de l’état, y compris le clergé, l’accueillirent avec une grande faveur ; mais le saint-siège ne voulut y voir qu’un acte schismatique qui ne l’engageait pas, sous prétexte qu’un contrat, quel qu’il soit, n’est valable que d’autant que les parties intéressées l’ont accepté d’un commun accord. Pie II la censura en termes fort sévères, et à l’avènement de Louis XI il mit tout en œuvre pour la faire rapporter. Les circonstances le servirent à souhait.

Louis XI voulait faire valoir en Italie les droits de la maison capétienne en faveur de son gendre, le duc d’Orléans, depuis Louis XII. Il sollicita l’appui de Pie II, qui lui promit de faire de son mieux, à la condition expresse que la pragmatique serait abolie. Le marché