Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 11.djvu/608

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut conclu, — car les papes et les rois de France, chaque fois qu’il s’est agi des affaires d’Italie, n’ont jamais fait que des marchés. Les promotions et les collations furent replacées sous la main du saint-siège, les provisions, les grâces expectatives, les annates, levées à son profit ; mais Pie II, fidèle à la tradition pontificale, qui était de subordonner les engagemens contractés avec la France aux intérêts de la politique italienne, se tourna vers les Espagnols. Louis XI, se voyant joué, laissa le clergé appliquer les dispositions de la pragmatique, et la loi de Charles VII resta en vigueur jusqu’au moment où la première expédition de François Ier au-delà des Alpes vint renverser la vieille tradition française, dépouiller l’église nationale du droit d’élection et lui imposer le double despotisme du pape et du roi.

François Ier ne pouvait rien sans Léon X, qui était l’âme de la politique péninsulaire, et Léon X avait besoin d’argent pour soutenir sa prépondérance, pour défrayer ses magnificences. L’intérêt et l’ambition rapprochèrent, comme au temps de Charlemagne, le pontife et le soldat, et le 18 août 1516 fut signé le traité célèbre connu sous le nom de concordat, qui a fait dire justement à Mézeray qu’on ne vit jamais contrat plus bizarre, « car le pape, puissance spirituelle, prenait le temporel pour lui et donnait le spirituel à un prince temporel. »

Le roi de France avait traité de la main à la main, sans consulter le clergé, sans prendre l’avis du parlement. L’opinion publique se révolta contre ce coup d’autorité ; le parlement refusa d’enregistrer. Après avoir défendu la couronne contre Rome, il défendit l’église nationale contre Rome et la couronne, et ne consentit à l’enregistrement que sous le coup des plus violentes menaces. L’opposition du clergé ne fut pas moins vive. Un certain nombre de chapitres s’obstinèrent malgré les promotions royales à pourvoir aux vacances, et dans quelques diocèses il y eut simultanément deux évêques, comme il y avait eu deux papes au temps du grand schisme.

Malgré quelques sages dispositions, le concordat eut pour l’église nationale des résultats désastreux. La nomination des évêques et des abbés par les rois fit reparaître les abus des temps mérovingiens. Les rois ne donnèrent plus des abbayes d’hommes à leurs femmes, comme l’avait fait Lothaire II pour Valdrade, mais ils donnèrent, comme l’a dit un ambassadeur vénitien, des évêchés et des bénéfices « à la demande des dames. » Les seigneurs de la cour possédaient des abbayes, « qu’ils vendaient à beaux deniers comptant, les baillaient en mariage, en troc et en eschange des choses temporelles. » Les protestans eux-mêmes en occupaient sous des