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elle de l’inquisition et de la Saint-Barthélémy ; mais il se garde d’intervenir pour arrêter des persécutions qu’il condamne, et il laisse Louis XIV consommer l’un des plus grands attentats de l’histoire.

On peut le dire, en s’appuyant sur l’autorité des faits, et sans crainte de fausser la vérité, comme princes temporels, les papes, malgré quelques alliances passagères et quelques services désintéressés, ont été pour la plupart les adversaires de la politique française ; ils ne s’y sont ralliés à certains momens que pour l’exploiter contre l’Allemagne ou les principautés de l’Italie ; comme chefs de la catholicité, ils ont exercé sur l’église gallicane une influence beaucoup moins grande qu’on ne le suppose généralement. Ce que cette église a fait d’utile et de sage, elle l’a fait, comme la trêve de Dieu, de sa propre initiative, par les hommes éminens qu’elle a produits dans tous les âges, par les conciles nationaux et provinciaux, les synodes diocésains, les assemblées générales du clergé, les évêques, les missionnaires. Indissolublement unie aux rois, qui étaient pour elle l’image vivante de la patrie, elle ne cherchait pas à dépenser, au profit d’un prince étranger, l’or et le sang de la France ; elle entourait de ses respects les successeurs de saint Pierre, mais ce respect n’allait point jusqu’à l’idolâtrie ; elle croyait à la supériorité du concile général. Aujourd’hui des doctrines nouvelles ont remplacé les doctrines des conciles de Constance et de Bâle, de la faculté de théologie de Paris, des parlemens, des hommes qui dans le moyen âge ont été la gloire et la lumière du sacerdoce. L’ultramontanisme, mis au jour par la ligue, accrédité et propagé par la société de Jésus, défendu par de Maistre et de Bonald, a profondément altéré la vieille tradition nationale, sans produire d’autre résultat que de partager le catholicisme français en deux grands partis, l’un qui marche avec la civilisation et qui pense, comme les docteurs de l’église gallicane, Hincmar, saint Bernard, Pierre d’Ailly, Gerson, que l’on peut être catholique sans croire à l’infaillibilité du pape, sans tirer l’épée pour soutenir le pacte de Charlemagne contre les ligues italiennes, — l’autre, qui ne voit de salut pour l’église et l’état que dans la résurrection du pouvoir temporel, et qui place le Vatican au-dessus de la France.


CHARLES LOUANDRE.