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était justifiée, il faudrait admettre que Sirius, loin de s’être refroidi, se trouve aujourd’hui à une température plus élevée qu’au temps où il figurait parmi les étoiles rouges, ce qui a priori ne paraît guère probable.

Au reste les lois de la formation et du développement des corps célestes nous sont encore trop peu connues pour qu’il soit possible d’écarter absolument telle ou telle supposition. Les étoiles variables, qui passent périodiquement d’un maximum d’éclat à un minimum, où quelques-unes même s’éteignent tout à fait pour un temps plus ou moins long, nous offrent déjà un exemple de changemens très sensibles qui s’opèrent sous nos yeux. Plus curieux encore sous ce rapport sont les cas d’étoiles nouvelles qui de temps à autre sont apparues subitement dans le ciel, mais qui toujours ont fini par s’éteindre presque aussi vite qu’elles s’étaient allumées. Si nous tenons compte des cas mentionnés par les catalogues chinois, le nombre des étoiles nouvelles signalées depuis deux mille ans s’élève à une vingtaine. La célèbre étoile de 1572, observée par Tycho-Brahé dans la constellation de Cassiopée, surpassait en éclat Sirius et Jupiter, on ne pouvait lui comparer que Vénus dans toute sa splendeur ; mais elle commença bientôt à pâlir, et au bout de sept mois il n’en restait plus trace. L’étoile de Kepler, qui était également très brillante au moment où elle fut aperçue pour la première fois en 1604, resta visible à l’œil nu pendant seize mois.

Ces phénomènes se rattachent sans doute aux cas de variabilité ordinaire, dont ils nous offrent seulement l’exagération accidentelle. Ce sont des incendies allumés dans le ciel, des conflagrations dues à quelque convulsion intérieure qui a dégagé du sein d’un corps céleste un torrent de gaz inflammables ; le feu éteint, l’étoile retombe dans la classe d’où elle était momentanément sortie. Dans tous ces cas, il ne s’agit donc pas de créations nouvelles : on n’a eu affaire qu’à des étoiles temporaires.

Trois fois en ce siècle, les astronomes ont été témoins d’une apparition de ce genre. M. Hind découvrit une étoile nouvelle de 5e grandeur, de couleur orangée, au mois d’avril 1848 ; deux ans après, elle était tombée à la 11e grandeur, puis elle cessa d’être visible. En 1850, une étoile rouge parut dans la constellation d’Orion, mais ne resta visible que fort peu de temps. Alors l’analyse spectrale n’existait pas encore ; heureusement elle a pu être appliquée à l’étude du troisième cas du même genre qui a été observé. Le 12 mai 1866, un astronome amateur anglais constata tout à coup qu’une étoile nouvelle de 2e grandeur s’était allumée dans la constellation de la Couronne boréale, et dès le 15 M. Huggins put braquer son spectroscope sur l’astre nouveau. Il s’assura tout d’abord