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constitutionnelles ont droit au respect et à l’obéissance de tous. Sa loyauté est au-dessus de tout soupçon, et on peut s’en rapporter à sa parole honnête et convaincue. Ce respect, cette obéissance, qu’il réclame pour les lois constitutionnelles, il saura au besoin les imposer à tout le monde, y compris ses amis. N’a-t-il pas commencé par se les imposer à lui-même ? Il lui en a coûté, mais il ne transige pas avec son devoir.

Durum ; sed levius fit patientia
Quidquid corrigera est nefas.

Chose curieuse, parmi les hommes qui ont contribué beaucoup moins que M. Buffet à faire triompher ces lois, parmi les hommes qui ne les ont votées qu’à la dernière extrémité, le pistolet sur la gorge et après avoir tout fait, tout essayé pour écarter cette coupe de leurs lèvres, il en est qui, une fois l’événement accompli, ont eu plus de facilité à s’en accommoder. Ils sont disposés à trouver leur maladie charmante, et si on les appelait à la vice-présidence du conseil, peut-être auraient-ils la politique et le rhumatisme gais. C’est qu’ils n’ont pas les fortes et gênantes convictions de M. Buffet, c’est qu’ils ne sont pas comme lui les prisonniers de leur conscience.

Les qualités les plus estimables de l’homme privé rendent souvent plus difficile à l’homme public l’accomplissement de sa tâche. Toujours fidèle aux préoccupations doctrinales qu’il porte dans la politique, M. Buffet semble croire qu’en votant la constitution du 25 février, l’assemblée nationale n’a pas fait seulement de nécessité vertu ; il a l’air d’attribuer à ce vote je ne sais quel caractère de mystique fatalité, il y voit comme une sorte d’expiation ou de macération publique, comme l’un des exercices de cette grande pénitence nationale par laquelle la France, Gallia pœnitens et devota, obtiendra la rémission de ses péchés et se rendra digne d’un sort plus heureux. « Le sacrement de la pénitence, disait Bossuet, est un échange mystérieux qui se fait par la bonté de Dieu de la peine éternelle en une temporelle. » L’établissement de la république est cette peine temporelle qui, subie dans un esprit de tristesse et de mortification chrétiennes, rachètera la France de son éternelle perdition. Se donner la république, c’est une façon de se donner la discipline. Un gouvernement résigné, une nation pénitente, une république de flagellans, voilà le spectacle que la fille aînée de l’église doit offrir au monde pendant quelques années pour se rendre digne de rentrer un jour dans le saint héritage. Hélas ! la France n’a pas l’esprit de son rôle, son génie ou son démon résiste aux exorcismes. Elle se repent sans contredit d’avoir eu trop de confiance en des pilotes hasardeux, qui, les yeux fixés sur des étoiles pâlissantes, l’ont conduite aux abîmes ; mais elle ne regrettera jamais d’avoir produit Voltaire et Mirabeau, et cependant, au dire des docteurs, c’est le seul remords qui la sauverait. Que lui parlez-vous d’expiation et de réciter les sept psaumes