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dcandinave sans aucune particularité qui permette de l’en distinguer. « La beauté des vierges islandaises est connue dans le monde entier, » disait chez le gouverneur de Reikiavik, dans un toast en latin, l’un des voyageurs qui a le mieux vu l’Islande. Je ne sais si la beauté des Islandaises jouit réellement de la notoriété universelle que lui attribue lord Dufferin, mais à coup sûr elle la mérite. Les hommes ont depuis longtemps renoncé au costume national ; les femmes seules l’ont conservé. Leurs cheveux blonds sont remarquablement beaux ; elles les laissent retomber en longues nattes et les recouvrent d’une sorte de petite calotte plate en drap noir, posée un peu de côté sur la tête et terminée par une longue tresse de soie qui passe dans un coulant d’acier ou d’argent et vient flotter sur l’épaule. Cette coiffure offre une certaine analogie avec celle des femmes grecques. Lorsque le temps est froid ou pluvieux, elles transforment leurs châles en mantilles et s’enveloppent si hermétiquement la tête, qu’on ne voit plus que leurs yeux bleus, dont l’expression de douceur et de bienveillance est particulièrement séduisante. La robe est en drap du pays ; le corsage, de même étoffe, garni sur la poitrine d’agrafes qu’on ne boutonne que dans la partie inférieure, colle étroitement sur le buste, dont il fait ressortir la richesse de formes. Le vêtement des jours de fête reste le même dans son ensemble : seulement le corsage et la robe sont alors garnis de velours et de galons d’argent, et le devant du corsage, les manches et la ceinture d’ornemens du même métal artistement ciselés, dont le prix s’élève souvent à une somme considérable. La petite toque des jours ordinaires est alors remplacée par une sorte de mitre en toile de lin empesée qui se recourbe en avant comme le bonnet des Cauchoises, et dont le moindre inconvénient est de cacher absolument les cheveux. Sous ce costume un peu lourd et un peu massif, l’Islandaise n’en reste pas moins essentiellement jolie.

Les mœurs islandaises m’ont paru assez libres : hommes et femmes, maîtres et valets, habitent dans une seule et même pièce, et l’on sait à quoi s’en tenir sur les conséquences ordinaires d’une pareille promiscuité. La faute de la femme n’entraîne pas pour celle-ci la réprobation dont elle serait frappée partout ailleurs. Je me suis même laissé dire qu’une fille-mère avait plus de chance qu’une autre de trouver un mari, si elle avait déjà donné le jour à un garçon bien constitué et de belle venue, dans lequel le prétendant sans préjugé pouvait voir, pour l’avenir, un valet de ferme robuste et dont il n’aurait pas à payer les services.

Le vol, l’assassinat, les crimes, sont choses à peu près inconnues dans le pays. Dans toute l’île, à Reikiavik même, qui en est le