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de guerre et à l’état de paix après la guerre ; on exigeait en outre le retrait des troupes alliées trois mois après les traités définitifs que la république argentine conclurait avec le Paraguay. Malheureusement il était visible que le Brésil voulait s’en tenir aux faits acquis par son traité et laisser retomber sur la république argentine le poids de toutes les difficultés non-seulement créées par cet acte, mais encore nées de la guerre ou antérieures à la guerre, ce qui lui permettait de conserver éternellement ses troupes à l’Assomption et même sur les territoires discutés ; et de se faire à son heure l’arbitre de conflits éventuels qui ne pouvaient que lui créer des avantages : il savait aussi que le moment n’était pas venu où la république argentine pourrait songer à la guerre, ni mettre son matériel en rapport avec celui que le Brésil avait amoncelé dans ses arsenaux de Rio, de Matto-Grosso et de l’île de Cerrito, pas plus qu’opposer ses troupes de terre à celles qu’il amenait déjà sur les confins de la province de Rio-Grande, en même temps qu’il subventionnait les révolutionnaires de la province d’Entre-Rios, soulevés par les assassins du gouverneur, le général Urquiza. Dans de- telles conditions, le général Mitre, n’eût-il fait que gagner du temps par ses lenteurs voulues, sauvait la république argentine d’un véritable danger. Quel que fût après ces préliminaires le texte de la convention signée le 19 novembre 1872, où aboutit la mission du général Mitre, elle produisait du moins ce résultat, inespéré quatre mois auparavant, d’éviter une guerre qui semblait d’abord inévitable, et qu’on a pu croire éloignée à jamais jusqu’aux incidens qui en ont récemment réveillé la pensée. Cet avantage était, à proprement parler, le seul, il y avait eu trop à réparer pour que le négociateur eût pu se leurrer de l’espoir d’en obtenir un plus complet. La convention en effet reconnaissait l’existence des traités Cotegipe, sous réserve pour la république argentine de négocier de son côté avec le Paraguay ; le Brésil s’engageait à employer son influence à faire aboutir ces accords particuliers, et, en cas de refus de la part du Paraguay, à examiner la question en commun avec les alliés ; mais on ne fixait pas de terme obligatoire pour le retrait des troupes, le remettant seulement à trois mois après la conclusion définitive des traités. C’était là le point faible de. la convention, car là république argentine n’avait plus dès lors aucun moyen de faire cesser l’occupation, si, le Paraguay refusant de traiter, le Brésil appuyait secrètement sa résistance. Or c’est justement ce qui est arrivé.

Voilà donc le résultat de l’attaque de Lopez et de l’alliance qui en a été la suite : depuis dix ans, aucun des états ligués contre lui n’est en paix, ni en guerre. La paix n’est pas faite avec le Paraguay, puisqu’aucun traité définitif n’est intervenu ; la guerre cependant