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passion, la question de folie est écartée, ou tout au moins l’exemption de responsabilité pour cause de folie n’est plus recevable. Le fou idéal que crée la loi anglaise est censé agir sans motif ou par un motif auquel un homme d’esprit sain ne saurait obéir. Rien n’est plus faux : la science affirme que le fou a les mêmes passions et se décide par les mêmes motifs prochains que l’homme sensé ; seulement il ne peut opposer la même résistance au penchant qui l’entraîne, il y a une limite où la crainte du châtiment et l’espoir d’une récompense n’ont plus de pouvoir sur lui. C’est là que se fait sentir l’influence maladive, la tyrannie de l’organisme, qui devient de moins en moins contestable à mesure que l’étude attentive des faits permet de construire l’édifice d’une science mentale positive, et de démontrer la déchéance morale qui accompagne l’abâtardissement physique.

C’est à ce point de vue que se place M. Maudsley, professeur de médecine légale au collège de l’université de Londres, dans, le livre qu’il vient de publier sur le Crime et la Folie. M. Maudsley ne s’occupe que des formes de l’aliénation mentale pouvant donner lieu au doute et prêter à la controverse : il discute, par rapport à ces états vaguement maladifs, la valeur du critérium de responsabilité adopté par le législateur ou par la pratique des tribunaux. Les nombreux exemples qu’il rapporte sont bien choisis pour, faire apercevoir toutes les difficultés de ce grave problème qui consiste à tracer la ligne de démarcation entre la folie et le crime. Il y a évidemment une zone frontière où la démence et la passion criminelle se confondent. Il y a des périodes de transition où la folie n’existe encore qu’à l’état de germe latent, et c’est là surtout qu’il devient difficile de déterminer le degré de responsabilité des criminels.

Si ce sujet est éminemment digne des méditations du législateur, il est une autre question qui ne mérite pas moins d’être étudiée, et à laquelle M. Maudsley a consacré l’un de ses chapitres les plus curieux : quels sont les moyens de se préserver de la folie ? Pour ceux chez qui la folie est dans le sang, — et l’influence de l’hérédité ne peut être niée en cette matière, — l’effort doit être rude et de tous les instans. Et pourtant il y a une hygiène à la fois physique et morale qui peut obtenir ce résultat, car la folie n’est autre chose qu’une abdication de la volonté, et il est certain que, par le sage développement du contrôle de la volonté sur les sentimens et sur les idées, l’homme peut arriver à se raidir contre les propensions qui l’entraînent hors du cadre de la raison. « Peut-être peu de personnes deviendraient folles, au moins pour des causes morales, dit M. Maudsley, si elles connaissaient toutes les ressources de leur nature et savaient les développer systématiquement. » À ces considérations, qui ne regardent que l’individu, s’en rattachent d’autres qui soulèvent un problème social. Si l’on avait sérieusement l’intention de diminuer le nombre des fous ou simplement d’empêcher