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partie des Rois. Il n’y a pas lieu d’être surpris du petit nombre des fragmens qui nous en sont parvenus. Ces poésies antiques étaient rudes, dénotant une grossièreté de mœurs qui répugnait aux délicatesses d’un âge plus civilisé, et surtout elles devaient souvent choquer l’orthodoxie ombrageuse des temps où l’on réunit les écrits destinés à l’usage des synagogues. Ce fut l’idée fixe des chefs du judaïsme dans les derniers siècles avant notre ère que leur monothéisme rigide et leurs observances rituelles remontaient jusqu’à David, jusqu’à Moïse, et même encore plus haut. Les documens mêmes dont nous leur devons la conservation démontrent que leur illusion était grande, mais ce n’est pas leur faute, et l’on peut être sûr qu’ils ne firent rien pour préserver de l’oubli ce qui leur parut évidemment contraire à la foi et à la loi de leur temps.

De tout cela résulte que les psaumes sont très loin de représenter sous ses diverses faces la poésie lyrique d’Israël, et même nous devons déjà tirer de cet aperçu général une conclusion défavorable à la haute antiquité de ce recueil. Cette considération n’en diminue point le mérite esthétique, non plus que l’importance comme monument historique. Il vint un jour où, sans rien rabattre de leurs ambitions colossales, les Juifs s’aperçurent qu’ils ne comptaient dans le monde que par leur originalité religieuse. Leur dernière période de gloire, celle des Machabées, n’eut pas d’autre cause effective que ce sentiment, désormais indélébile, de la solidarité, de la fusion, devrait-on plutôt dire, de l’intérêt national et de l’intérêt religieux. Il est facile de comprendre qu’à mesure que ce sentiment grandit, la lyre populaire ne fit plus guère vibrer que les cordes qui trouvaient un écho dans la multitude. De l’abondance du cœur, la bouche chante plus qu’elle ne parle. — C’est armés de ces renseignemens sur la place que les psaumes occupent spécialement dans l’ensemble des poésies d’Israël que nous allons reprendre l’étude des phénomènes les plus saillans qui les recommandent à notre attention.


III.

Nous ne répéterons pas ce qui a été dit depuis longtemps sur la poésie des psaumes. L’amplification rhétorique s’est donné sur ce point libre carrière. Il est ainsi des domaines réservés où l’éloge sans critique redoute peu les contradictions. Tâchons plutôt de fixer par quelques exemples appropriés les très vagues idées que l’on puise dans les cours d’histoire littéraire.

Un trait essentiel à signaler, c’est ce qu’on peut appeler la familiarité des psalmistes quand ils s’adressent à Dieu, qu’ils savent pourtant concevoir et décrire comme un être infiniment auguste et