Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que David passa à la dignité de roi « selon le cœur de Dieu, » de prototype du Messie, et qu’on trouva tout naturel d’attribuer à son inspiration poétique des chants qui charmaient le peuple fidèle par la correction, non moins que par l’énergie du sentiment religieux. David n’avait-il pas été poète et chanteur ? Donc il avait fait des psaumes, les plus beaux psaumes, et l’image que l’on voit si souvent en tête des vieilles Bibles représentant le roi-prophète couvert du manteau royal, la couronne en tête et s’accompagnant de la harpe, se peignit dans l’imagination du peuple juif et des premiers chrétiens bien longtemps avant d’être gravée sur bois.

Sans doute il reste toujours possible que David, qui s’occupa du culte et qui remplit lui-même sans scrupule des fonctions sacerdotales, a composé aussi des hymnes religieuses, il se peut même que quelques débris de ces vieilles poésies aient été incorporés dans des œuvres d’un âge beaucoup plus récent ; mais il faut renoncer à l’espoir de les retrouver dans les textes que nous possédons. Ce qui est certain, c’est qu’à la lumière d’une critique purement historique la grande majorité des psaumes ne trouve sa place naturelle que dans la période qui suit le retour de la captivité de Babylone et qui s’étend jusqu’à la renaissance nationale dont l’héroïque famille des Macchabées prit la direction. Plusieurs même portent clairement la marque de ce grand événement, qui s’accomplit dans le second siècle avant Jésus-Christ. Longtemps une telle assertion a paru d’une excessive audace. Elle dérangeait toute sorte de systèmes élaborés subtilement par de respectables hébraïsans qui tenaient à faire la moindre brèche possible à la tradition. M. Reuss, avec beaucoup de netteté, a montré que l’horizon politique et religieux de la plupart des psaumes, que leur manière de comprendre le présent et l’avenir du peuple invité à les chanter, que l’opposition si fréquente des pauvres ou des humbles d’une part, des méchans ou des pécheurs de l’autre, c’est-à-dire au fond du peuple juif et des païens, que la manière dont il est parlé de la loi comme d’un code écrit qu’il faut méditer sans cesse, que tout cela nous fait penser à un temps fort différent de celui de David et même de la période intermédiaire entre son règne et la captivité.

Prenons par exemple le psaume 74, un des plus importans de la collection au point de vue historique. La situation qu’il dépeint est désespérée. L’ennemi païen n’est pas seulement maître et tyran du pays saint, il a déclaré la guerre à la religion nationale.


« L’ennemi a tout dévasté dans le sanctuaire. — Tes adversaires hurlent dans l’enceinte de tes parvis, — Pour symboles, ils y ont mis les leurs. — On peut les voir pareils au bûcheron — qui brandit la hache