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dans un fourré du bois. — Ainsi à l’envi ils en brisent les sculptures — à coups de marteau et de cognée.

« Ils ont mis le feu à ton saint lieu, — ils ont abattu et profané la demeure de ton nom. — Ils disent dans leur cœur : Écrasons-les tous ! — Ils ont brûlé tous les lieux de culte (les synagogues) dans le pays. — Nos emblèmes, nous ne les voyons plus. — Il n’y a plus parmi nous de prophète, — et nul d’entre nous ne sait jusques à quand... »


Évidemment il s’agit ici d’une dévastation du sanctuaire de Jérusalem. Or il n’y a que deux événemens de ce genre qu’on puisse rapprocher d’une telle peinture, la destruction du temple par Neboucadneçar et la profanation de ce temple sous Antiochus Épiphane; mais le premier rapprochement est impossible. Neboucadneçar brûla le temple et le rasa, tandis que cette fois il a été dévasté, en partie incendié, mais il est resté debout, et la preuve, c’est qu’on y a introduit les symboles d’un culte étranger. Il faut de plus remarquer cette plainte dont ceux qui connaissent de près l’histoire d’Israël ne sauraient exagérer l’amertume: « il n’y a plus parmi nous de prophète! » Ce n’est pas au temps de Jérémie et d’Ézéchiel qu’on pouvait se plaindre de la sorte. Enfin les ennemis du peuple et de Dieu ont brûlé les synagogues, ce qui nous reporte une fois de plus à la période qui suivit le retour de l’exil. En effet ce fut seulement depuis lors qu’il put être question des synagogues en pays juif. C’est donc vers l’an 168 avant notre ère, lorsque Antiochus, décidé à extirper une religion qu’il regardait à juste titre comme le principal obstacle à son plan d’hellénisation du peuple juif, mit à sac la ville et le peuple et superposa un autel de Jupiter à celui de Jahveh, que cette lamentation fut composée. Nous avons par conséquent par devers nous la preuve de fait que le psautier ne fut clos qu’après cette époque, et que nous pouvons nous attendre à y rencontrer des chants inspirés par les souffrances et les triomphes inespérés de la période macchabéenne.

Bien loin d’avoir pour auteur le roi David, le psautier toucherait donc d’assez près, par le moment de sa clôture définitive, à l’ère chrétienne, ce qui rendrait moins étonnantes les affinités entre certains psaumes et les doctrines évangéliques. De là on peut remonter le cours des siècles. On trouvera des psaumes qui se rapprochent des temps de la captivité, quelques-uns qui peuvent en être contemporains, bien peu que l’on doive reporter au-delà. Du moins les motifs péremptoires manquent. Parmi les psaumes les plus anciens, il faut ranger probablement le 8e et le 18e, que nous avons reproduits, ainsi que le 29e, dont les accens rudes, presque sauvages, ont quelque chose de primitif.