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est d’une limpidité parfaite, comme dans cette journée du 16 août 1875. À dix heures vingt-deux minutes du matin, sur la cime du Mont-Blanc, le thermomètre de mon appareil marquait au soleil 18°,20 : à la même heure, M. Margottet observait, au glacier des Bossons, 13°,85. Les observations météorologiques faites aux deux stations nous donnaient : au sommet, pression barométrique, 430 millimètres ; température de l’air, 1 degré au-dessus de zéro ; état hygrométrique, 0,40 ; à la base : pression barométrique, 661 millimètres ; température de l’air, 9°,5 ; état hygrométrique, 0,60. Ces nombres devraient être corrigés des légères erreurs spéciales à chaque instrument. Il faudrait en outre ramener les indications thermométriques qui mesurent la radiation aux valeurs qu’elles auraient eues, si la boule de chaque thermomètre n’avait éprouvé aucune perte de chaleur par rayonnement ; mais elle émettait vers l’enceinte à zéro degré dont elle occupait le centre plus de chaleur qu’elle n’en recevait, et accusait par conséquent une température finale inférieure à celle qu’elle aurait dû théoriquement marquer. Ces corrections toutefois ne changeraient pas l’ordre de grandeur du résultat. En les négligeant ici et en comparant les données que fournit immédiatement l’expérience, nous voyons que le 16 août, à dix heures et demie du matin, l’air étant moyennement humide, parfaitement calme, et dans les conditions les plus normales de température et de pression, l’énergie de la radiation solaire à Chamonix était d’un quart inférieure à celle que nous constations au même moment 4,000 mètres plus haut.

Doit-on en conclure néanmoins que toute la chaleur absorbée entre les deux stations soit définitivement perdue ? La colonne d’air qui s’élève de la base au sommet de la montagne n’a retenu cette part de la radiation que pour en faire largement profiter ensuite la vallée. La nuit sera douce, presque chaude à Chamonix, tandis que le froid se fera vivement sentir sur la cime du Mont-Blanc, au point d’en rendre le séjour dangereux pour celui qui, à l’exemple de M. Tyndall, oserait y rester. Si donc il est vrai de dire que l’atmosphère la plus sereine arrête environ la moitié de la quantité totale de chaleur que le soleil émet vers la terre, il faut ajouter que la portion interceptée est réellement mise en réserve pour nous être rendue plus tard presqu’en entier, soit comme chaleur, soit comme force. On comprend ainsi pourquoi il importe de mesurer l’intensité du rayonnement avant son passage à travers notre atmosphère.