Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pu accomplir en des conditions aussi favorables cette ascension, qui avait pour moi un double attrait : à l’intérêt scientifique de recherches longuement poursuivies s’ajoutait en effet le désir de répondre dignement à la libéralité de M. le ministre de l’instruction publique, qui avait bien voulu se charger des frais de l’expédition. Je ne regretterai ni peine, ni fatigue, si l’attention des savans est appelée de nouveau sur ce monde des montagnes, encore à peine connu, et dont l’étude serait intéressante à tant d’égards.

Pour considérer seulement le but précis que j’avais en vue, les mesures de la radiation et des différens élémens qui en modifient l’intensité dans notre atmosphère serviront utilement à déterminer l’énergie calorifique du soleil, dont elles pourront même aider à évaluer la température moyenne. La solution de ce séduisant problème n’est peut-être pas aussi éloignée qu’on serait tenté de le croire d’après le simple énoncé de la question. Nous savons en effet aujourd’hui que les élémens constitutifs du soleil sont, d’une manière générale, identiques à ceux qui filtrent dans la formation de notre globe et des autres planètes. Ce que Laplace avait supposé dans sa grandiose conception du système du monde, les spectroscopistes modernes l’ont matériellement et indubitablement prouvé. M. Henri Sainte-Claire Deville a dès lors pu affirmer que la chaleur du soleil ne devait pas être, comme on l’avait pensé jusque-là, hors de toute comparaison avec celle des sources terrestres. Les limites que sa grande découverte de la dissociation assigne aux températures industriellement réalisables s’imposent également aux températures produites à la surface du soleil par les réactions réciproques des mêmes agens chimiques que ceux dont nous disposons. Tout en tenant compte des circonstances spéciales, et en particulier de la pression, qui peuvent reculer dans une certaine mesure ces limites mêmes, on ne saurait donc logiquement admettre pour la température du soleil ces millions de degrés par lesquels plusieurs physiciens croyaient encore récemment pouvoir la représenter. J’ai fait l’an dernier aux forges d’Allevard, sur la radiation solaire et le rayonnement d’un bain d’acier en pleine fusion à 1,500 degrés, des expériences comparatives qui confirment entièrement l’idée d’un soleil chaud de quelques milliers de degrés seulement. Le rapprochement de ces expériences et d’autres que je poursuis, avec les mesures directes effectuées au sommet du Mont-Blanc, paraît devoir conduire plus loin encore et permettre d’évaluer numériquement la température vraie de la surface du soleil.


Jules Violle.