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du peuple allemand à l’égard des Français, et par conséquent il dépend absolument de ces derniers d’entretenir avec l’empire voisin des rapports pacifiques ou hostiles. » Prétendre que l’Allemagne se propose de réduire la France à l’état de puissance de second ordre est, selon lui, une imputation calomnieuse, un tel dessein étant incompatible avec le caractère bien connu du peuple allemand, lequel a trop de confiance dans ses propres forces pour que la puissance des autres lui porte ombrage. « C’est le génie de la politique de la France, dit-il, que de croire sa sûreté et sa grandeur intéressées à ce que ses voisins soient faibles et de travailler à leur affaiblissement. » Nous ne savons à quelle période de l’histoire de la politique française l’anonyme veut faire allusion. S’il entend parler de la politique d’Henri IV, de Richelieu, de Mazarin, il serait facile de lui répondre que sous la conduite de ces grands hommes la France ne travaillait point à affaiblir sur ses frontières des états puissans, qui n’existaient pas, mais qu’elle avait pris en main le protectorat des petits, que Richelieu savait ce que valait un simple pion bien ménagé et qu’il s’en servait pour aller à dame, que, pour combattre les envahissemens de la maison d’Autriche, il liait partie avec les états faibles, qui recherchaient son amitié, et parmi lesquels on comptait l’électorat de Brandebourg. Le 29 juillet 1870, le professeur Michelet, de Berlin, écrivait qu’il n’y aurait pas de paix possible tant que le vol séculaire de l’Alsace et de la Lorraine n’aurait pas été restitué, et le 3 août une feuille officielle rappelait que ces deux provinces avaient été arrachées à l’Allemagne par la ruse et l’avidité conquérante des Français. Comme l’a si bien dit l’auteur de l’Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande, il était impossible de falsifier plus complètement les faits. M. Sorel remarque fort judicieusement que, lorsque l’Alsace et la Lorraine sont devenues françaises, l’idée de l’unité allemande n’avait pas encore pénétré en Allemagne, que le principe des nationalités n’était enseigné par personne, que les états pratiquaient un droit public fort différent de celui qui a prévalu depuis, et que « Metz et l’Alsace furent pour la France le prix d’interventions sollicitées par les Allemands eux-mêmes et de la protection accordée aux protestans du nord contre la maison d’Autriche. » Dans le traité de 1551, qui conférait au roi Henri II la possession des Trois-Évêchés, Metz, Toul et Verdun, les princes allemands du nord disaient à leur allié : « Attendu que le roi très chrétien se porte envers nous. Allemands, en cette affaire avec secours et aide non-seulement comme ami, mais comme père charitable, nous en aurons tout le temps de notre vie une reconnaissance éternelle. » En 1633, l’électeur de Brandebourg, implorant de Louis XIII l’alliance dont la cession de l’Alsace devait être le prix, suppliait le roi « de prendre en main l’œuvre de protection et de médiation qu’on réclamait de lui, et de s’y porter avec une promptitude salutaire. » Telle était, conclut M. Sorel, « l’œuvre de ruse et de