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on est réduit à faire usage de la fiente de lama desséchée. Pour l’amalgamation, on dirait au contraire que la nature s’est plu à disposer d’avance en Californie des mines de mercure inépuisables, entre autres celles de New-Almaden dans le comté de Santa-Clara. Celles-ci et quelques autres mines voisines, New-Idria, Redington, Guadalupe, fournissent à tous les états et territoires du Pacifique tout le mercure dont ils ont besoin pour le traitement des minerais d’or et d’argent. Les vues de la nature sont étranges. Avait-elle quelque pensée préconçue quand elle jetait si près de l’or et de l’argent le mercure de Californie, et qu’elle réservait à l’Espagne les mines de mercure d’Almaden? Sans mercure, pas d’amalgamation possible, et par conséquent pas de traitement économique de l’or et de l’argent.

Le vif-argent se rencontre en Californie à l’état de cinabre ou vermillon natif d’un beau rouge, dont les Indiens, les premiers découvreurs et exploitans de ces mines, se servaient jadis pour se tatouer le visage. Le cinabre ou mercure sulfuré est presque le seul minerai de mercure. On en retire le métal liquide par une simple distillation. La quantité totale de vif-argent produite par les mines californiennes a été d’environ un million de kilogrammes en 1874, dont celles de New-Almaden ont fourni le tiers. Précédemment la quantité était plus considérable, et New-Almaden seulement rendait 1 million 1/2 de kilogrammes. Cette diminution dans la production, qui est due ici à des circonstances purement géologiques, a concordé avec une diminution correspondante dans les mines d’Espagne, à la suite des événemens dont la péninsule ibérique était alors le théâtre. Il en est résulté une hausse continue sur le métal, qui, de 6 francs le kilogramme, prix auquel il s’est tenu pendant bien des années jusqu’à 1869, est monté insensiblement jusqu’à 16 francs en 1874; il est aujourd’hui tombé à 10 francs. La mine d’Almaden en Espagne, depuis longtemps louée à la maison Rothschild, et qui produit environ 1 million 1/2 de kilogrammes par an, est la seule concurrente sérieuse des mines de mercure californiennes. Celles-ci alimentent non-seulement tous les états du Pacifique, mais même le Japon et la Chine. Dans les mers de l’Inde, elles retrouvent le mercure d’Espagne comme dans la mer des Antilles : la Chine d’un côté, le golfe du Mexique de l’autre, marquent la limite des marchés respectifs. Les quelques gîtes mercuriels qu’on rencontre en Italie, notamment en Toscane, et à Idria dans la Carniole autrichienne, ou en Hongrie et en Transylvanie, enfin dans le duché des Deux-Ponts en Allemagne, voire au Pérou à Huancavelica, qui fut jadis si productive, terminent l’inventaire du globe en mines de mercure et ne méritent pas de figurer à côté d’Almaden d’Espagne