Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mme la duchesse de Berry. On sentit alors la nécessité de réunir toutes les forces du parti conservateur, et M. de Rémusat fut un des agens les plus actifs et les plus utiles de cette alliance. Son idéal, comme le nôtre, était l’union de M. de Broglie, de M. Thiers et de M. Guizot dans le même cabinet ; mais cet idéal n’était pas celui du roi, et c’est pourquoi il fut si difficile d’y arriver. On y arriva pourtant, et le ministère dit du 11 octobre fut constitué. M. de Rémusat n’en faisait pas partie, mais la part qu’il avait prise à sa formation et la haute estime qu’inspiraient son esprit et son caractère lui assuraient une grande influence sur plusieurs des ministres principaux. M. de Broglie, M. Thiers, M. Guizot, demandaient ou écoutaient ses conseils, et, sans siéger dans le cabinet, il y tenait une place importante; son action, pour être cachée, n’en était pas moins réelle. Le gouvernement parlementaire est un gouvernement collectif, et il est bon que les hommes officiellement chargés de la conduite des affaires aient des amis éclairés, impartiaux, qui leur communiquent les impressions variables de l’opinion publique et qui les avertissent de leurs fautes. Quelquefois ces amis sont importuns, quand leur langage est trop rude; mais de la part de M. de Rémusat ce danger n’existait pas, tant il savait bien approprier ses conseils au caractère de ceux qui les recevaient et éviter des froissemens inutiles.

Ce n’est point ici le lieu de raconter ni de juger les actes du ministère du 11 octobre. Il suffit de dire que M. de Rémusat lui resta fidèle jusqu’au bout, et que, le jour où une intrigue de cour sépara M. Thiers de M. Guizot, il suivit M. Guizot dans sa retraite. Mais les destins sont changeans, et peu de mois après l’avènement de M. Thiers à la présidence du conseil, M. Guizot fut à son tour chargé de former un ministère avec le comte Molé. Cette combinaison n’était pas celle que M. de Rémusat avait désirée. Il s’y rallia pourtant, et pour la première fois il fut appelé à une position officielle. Il devint sous-secrétaire d’état au ministère de l’intérieur, M. de Gasparin étant ministre. On aurait pu croire que cette position ne conviendrait pas à la nature de son esprit; elle lui convenait beaucoup au contraire, et il lui plaisait de quitter le champ de la théorie pour entrer dans le vif et la pratique des affaires. Sur ce terrain nouveau pour lui, il se fit beaucoup d’honneur, et quand le ministre, ébranlé par le rejet de la loi de disjonction, tomba sur la question des apanages, M. Guizot le comprit dans la liste ministérielle qu’il présenta au roi; mais à cette époque le roi avait moins de goût encore pour M. Guizot que pour M. Thiers, et ce fut le comte Molé qu’il chargea de former un cabinet. M. de Rémusat rentra alors dans la portion indépendante de la chambre avec une tendance marquée vers l’opposition, et quelques mois après, quand