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et Rome, la ville éternelle devenue la ville sainte; ils sont rois de Naples et convoitent la couronne des successeurs de Constantin, afin de réunir les deux empires jadis séparés par Théodose. Que leur importe l’obscur combat qui se poursuit au-delà de l’Elbe? Les margraves sont écrasés, et la frontière, à la suite d’une grande révolte qui éclate sous le successeur d’Otton, est reportée de l’Oder à l’Elbe. Tous les dieux de la mythologie slave, ceux qui habitent des temples et portent leurs noms inscrits sur le piédestal de leurs statues, ceux dont on ne sait pas les noms, mais qui se manifestent par le bruissement des feuilles de chêne ou le murmure des sources, reprennent possession du pays d’où les ont chassés Notre-Dame de Magdebourg et l’enfant Jésus.

Le paganisme wende trouvait un appui naturel dans le paganisme du reste des Slaves, qui était à peine entamé, et dans celui des Scandinaves, qui était intact. Le temple d’Upsala était alors le centre d’un empire de pirates. Danois et Normands faisaient retentir le chant des scaldes sur toutes les mers et sur toutes les côtes du nord; ils visitaient l’Islande au même temps que la Russie, menaçaient Michel l’Ivrogne dans Constantinople et le duc de France dans Paris, mais surtout ces fidèles d’Odin faisaient une guerre persévérante aux Germains apostats; les coups qu’ils frappaient sur l’Elbe inférieur répondaient aux coups que frappaient les Wendes sur l’Elbe moyen.

Il faut bien dire aussi que le christianisme s’offrait aux Slaves sous les plus tristes couleurs. Les Allemands ont été fort inhabiles à prêcher la parole de miséricorde et de charité : ils n’ont pas donné au monde un seul grand apôtre, et les quelques missionnaires zélés dont on pourrait dire les noms ont été contrariés dans leur œuvre par les princes leurs compatriotes. Les chroniques allemandes s’accordent à flétrir l’avarice et la cruauté des margraves, ducs et comtes de la frontière. « Les princes allemands, dit Helmold après le récit d’une victoire, se partagèrent le butin; mais de christianisme, il ne fut pas fait mention. On voit par là l’insatiable avidité des Saxons : entre toutes les nations, ils excellent aux armes et à la guerre, mais ils sont toujours plus enclins à augmenter les tributs qu’à conquérir des âmes au Seigneur, proniores tribuiis augmentandis quam animabus Dco conquirendis... » Avant Helmold, Adam de Brème avait dit : « L’âme des Saxons est plus portée aux exactions qu’aux conversions. » Avant Adam de Brème, Dithmar de Mersebourg avait reproché aux Allemands la barbare coutume de diviser après la victoire les familles de leurs prisonniers pour les vendre comme esclaves, car le prisonnier wende était un des objets du commerce germanique avec l’Orient. Enfin l’un de ces vieux écrivains met dans la bouche d’un chef slave parlant à un évêque allemand