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le gîte. Le comte accepta, puis, la nuit, il se saisit de la personne du vieux roi, le blessa, le bâillonna et l’emmena en lieu sûr, dans le cul-de-fosse d’une forteresse. Le captif accepta les plus dures conditions pour recouvrer sa liberté; libre, il déchira des traités arrachés par la félonie et par la force, mais, trahi encore une fois sur le champ de bataille de Bornhöved, il fut vaincu le 22 juillet 1227, et le Danemark tomba dans un long abaissement.

Bientôt après les margraves de Brandebourg se firent donner par Frédéric II la suzeraineté sur la Poméranie, qui était le plus important des petits états slaves, car elle s’étendait au loin le long de la Baltique, sur la rive droite de l’Oder, et sur. la rive gauche elle s’était fort avancée dans le pays des Obotrites. Comme les ducs poméraniens ne voulurent pas les reconnaître pour suzerains, les margraves les y contraignirent par la guerre, et ils leur prirent un territoire qui équivaut à peu près aux grands-duchés de Mecklembourg, plus l’Uckermark, petite province qui fait au nord une pointe vers le golfe de Poméranie. Les margraves avaient donc trouvé une nouvelle route vers la Baltique.

Ils atteignirent un moment cette mer dans de singulières circonstances où se montrèrent au grand jour leur hardiesse, toujours en quête d’aventures, et l’âpre passion de l’agrandissement territorial qu’ils devaient léguer à leurs successeurs. La Marche depuis ses progrès touchait par quelques points de sa frontière orientale à la Pomérellie. Ce duché, qui avait été détaché au commencement du XIIe siècle de la Poméranie, était borné à l’est par la Vistule; il confinait de ce côté aux domaines de l’ordre teutonique, dont il n’était séparé que par la largeur du fleuve. Les margraves et les chevaliers étaient de dangereux voisins, et le malheureux duché slave eut l’imprudence d’appeler à la fois les Allemands du Brandebourg et ceux de la Prusse à intervenir dans ses affaires.

Les Brandebourgeois arrivent les premiers, comme alliés d’un puissant parti révolté contre Loktiek, roi de Pologne et duc de Pomérellie; ils entrent dans Dantzig et mettent le siège autour du château. Le commandant, pressé par la nécessité, va demander du secours à l’ordre teutonique. Le grand-maître envoie incontinent des chevaliers qui, moyennant une solde déterminée, devront renforcer pendant un an la garnison polonaise. Aussitôt l’arrivée du renfort, les Brandebourgeois lèvent le siège; les Polonais veulent alors remercier les Teutoniques de leurs services, mais ceux-ci allèguent qu’ils sont venus pour un an, et qu’ils n’ont pas le droit de se retirer. Le règlement de la solde stipulée suscite d’ailleurs des contestations, des disputes, si bien qu’un jour les Teutoniques tombent sur les Polonais, qu’ils tuent ou qu’ils chassent. Renforcés