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paraissant embarrassé lui-même de savoir s’il peut rassurer l’opinion ou s’il doit la tenir en éveil.

La raison ou le prétexte de ces agitations confuses qui règnent à la surface de l’Europe, c’est cette éternelle question d’Orient qui a depuis quelques mois déjà par l’insurrection de l’Herzégovine, que les catastrophes financières de la Turquie n’ont pu qu’aggraver récemment. Oui, il est bien clair que cet Orient est toujours malade, et qu’il suffit du moindre incident, de l’agitation dans une province, pour mettre tout en question. Cette fois l’insurrection de l’Herzégovine a pris évidemment un caractère plus sérieux ; elle s’obstine, et les Turcs aussi s’obstinent à montrer leur impuissance. Le danger est dans ce foyer toujours incandescent, et ce qui est plus grave que tout le reste, c’est que l’état de l’Orient n’a plus sa garantie dans les anciennes alliances occidentales aujourd’hui dissoutes, dans l’ancien équilibre européen désormais rompu. Le centre de l’action diplomatique s’est transporté au nord. La question est maintenant entre la Russie, l’Autriche et l’Allemagne, qui ont pris la direction de ces dangereux événemens, en offrant d’ailleurs à l’Angleterre, à la France et à l’Italie de se joindre à elles dans la mesure de leurs convenances. Que se proposent de faire les cabinets de Saint-Pétersbourg, de Vienne et de Berlin ? Ils paraissent s’être mis d’accord sur plusieurs points principaux, d’abord sur le maintien de l’intégrité géographique de l’empire ottoman, puis sur la nécessité de demander des réformes intérieures au gouvernement turc. Les rapports de la commission consulaire envoyée cet été dans l’Herzégovine semblent avoir offert les élémens des propositions de réformes que l’Autriche s’est chargée de préparer ; mais ce n’est pas tout, on ne demande pas seulement des réformes, on veut des garanties. Or quelles seront ces garanties ? Voilà le point aigu. C’est par là évidemment que tout peut arriver. Il n’est pas moins vrai que, si les trois empires tombent d’accord sur un certain genre d’action, ils seraient bien embarrassés de s’entendre sur une solution définitive qui les diviserait aussitôt,et c’est ce qui fait que cette question d’Orient, toujours ouverte, n’est pas près d’être résolue.

CH. DE MAZADE.




Le directeur-gérant, G. BULOZ.