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en Italie ces chefs-d’œuvre de la peinture moderne et de la sculpture antique qui sont aujourd’hui l’honneur de nos galeries nationales après avoir jadis décoré les palais de nos souverains. Un François Ier ne se contente pas de faire travailler pour lui, c’est-à-dire pour la France, les plus grands artistes de son temps, les Raphaël, les André del Sarto, les Benvenuto Cellini ; il envoie jusqu’en Orient des savans chargés de lui rapporter des marbres, des pierres gravées, des médailles, des plantes rares, et Louis XIV, dans le cours du siècle suivant, reprend avec plus d’éclat encore toutes ces traditions des Valois. Commandes aux peintres et aux sculpteurs, achats de manuscrits et de livres, missions scientifiques se poursuivent et se répètent, depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours, par les ordres des rois ou de leurs principaux ministres, au nom de la couronne, mais dans l’intérêt du pays ; les artistes ont sous les yeux d’admirables modèles, les érudits trouvent dans ces riches collections des matériaux qu’ils s’exercent à classer et à mettre en œuvre. La France moderne, depuis la révolution, a rattaché l’un à l’autre, par le lien d’une administration commune, tous ces grands dépôts de la science et de l’art, elle en a fait l’inaliénable propriété de la nation ; mais, — on ne saurait l’oublier, — les cadres en ont été préparés, et les plus précieux peut-être des objets qu’ils renferment ont été recueillis par l’intelligente et libérale initiative de la royauté française, dans un temps où l’on pouvait acquérir à prix d’argent ce qui n’a plus de prix aujourd’hui, ce qui ne sortira plus des grandes collections nationales. Si Raphaël n’avait pas peint tout exprès pour François Ier la Sainte Famille du Louvre, pourrions-nous espérer, avec toutes les ressources de notre budget, acquérir jamais une telle merveille ?

Rien de semblable en Angleterre, au moins jusqu’à la fin du dernier siècle, jusqu’au règne de George III. Parmi les Tudors et les Stuarts, il y eut des princes remarquables à divers titres ; mais ils furent tous tellement absorbés par la politique, par la révolution religieuse qu’ils provoquèrent ou qu’ils combattirent, par leurs luttes contre les parlemens, qu’ils n’eurent point le loisir de rechercher ces jouissances délicates. Dans la longue série de ces princes, on n’en compte qu’un seul chez qui les contemporains aient signalé ces goûts et ces curiosités, et encore n’a-t-il point régné : c’est Henry, prince de Galles, fils aîné de Jacques Ier. Ce jeune homme, qui mourut à dix-huit ans, avait donné de lui la plus haute idée à tous ceux qui l’approchaient ; on s’est souvent demandé quel cours auraient pris les affaires de l’Angleterre et ce qui aurait été changé dans son histoire, si Henry eût vécu, s’il avait occupé le trône à la place de Charles Ier. Quoi qu’il en soit, Henry avait la passion des