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Les premiers trustees désignés par Cotton furent quatre membres de sa famille, plus le lord chancelier, le président de la chambre des communes et le lord chief justice en vertu de leur office. Au décès de l’un des fidéicommissaires représentant la famille (family trustees), celui qui en serait alors le chef désignerait un successeur parmi ses parens ou alliés.

C’était la réalisation d’une pensée déjà ancienne. Sous Elisabeth, tout un groupe d’hommes distingués parmi lesquels figuraient Cotton et Camden, avaient demandé à la reine de prêter l’appui de son auguste patronage à la fondation d’une bibliothèque nationale qui aurait surtout pour objet de réunir et de conserver les principaux monumens de l’histoire d’Angleterre. Les pétitionnaires se chargeaient des démarches et frais nécessaires ; ils ne demandaient à la couronne que son concours moral et le droit d’appréhender en son nom dans les résidences royales les documens qui s’y trouveraient. Elisabeth semblait digne de saisir les avantages de cette création ; mais d’autres soins l’en détournèrent ; le projet n’eut point de suite. Cette entreprise, dont l’honneur avait ainsi échappé à la couronne, un particulier l’avait accomplie avec ses propres ressources ; un des héritiers de Cotton, en offrant la collection à l’Angleterre, ne fit en quelque sorte que conduire à sa conclusion logique la pensée de son aïeul. C’est bien à l’érudit et au patriote, à l’ami de Camden et de Selden comme à celui de Pym et d’Elliot, que l’Angleterre doit la première bibliothèque qu’un acte solennel ait affectée à un usage public. Les manuscrits, les livres imprimés qu’elle contenait, forment encore aujourd’hui, dans le grand dépôt national, un fonds séparé que les bibliophiles ne consultent point sans respect. On est donc en droit de décerner à sir Robert Cotton, avec M. Edwards, le titre de premier fondateur du Musée-Britannique. S’il n’a pas connu le nom, il a donné l’idée et l’exemple de l’œuvre ; d’autres vont venir qui la continueront et la développeront.


II

Le parlement avait voté 4,500 livres pour l’achat.de la maison patrimoniale des Cotton, à Westminster, afin, dit l’acte, « qu’il soit possible à sa majesté de faire profiter de cette précieuse collection ses propres sujets et les savans étrangers ;  » mais le moment était mauvais. Jamais la lutte des partis n’avait été si violente en Angleterre et n’avait plus occupé tous les esprits que dans ces premières années du XVIIe siècle. La malheureuse collection, laissée presqu’à l’abandon, fut en 1712 transportée à Essex-house, dans le Strand, puis en 1730 rapportée à Westminster dans Ashburnham-house. Elle