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dont l’exposition de Manchester, en 1856, a pu donner quelque idée, trésors qui, par divers chemins, viennent souvent aboutir au Musée-Britannique ou à la Galerie nationale. Un siècle environ après sa mort, la Société des dilettanti se fondait à Londres, elle se proposait un rôle qu’elle a rempli au grand bénéfice de l’archéologie classique, celui de fournir aux dépenses de voyages d’exploration et de fouilles méthodiques en Grèce et en Orient ; les noms de Chandler, de Stuart et Revett, de Pullan, témoignent de ce qu’elle a su accomplir avec ses seules ressources dans cet ordre de travaux. Or son vrai précurseur, c’est le comte d’Arundel ; dans l’antiquité, elle l’aurait choisi pour son ancêtre déifié, pour son héros éponyme ; elle lui eût élevé un autel dans la salle de ses séances.

C’est plutôt à la tradition de sir Robert Cotton que se rattache un autre amateur célèbre, Robert Harley, premier comte d’Oxford, plusieurs fois ministre sous la reine Anne. Sa politique a été très discutée ; mais ce n’est point par ce côté qu’il nous intéresse, c’est par sa passion pour les livres et les manuscrits. Il avait commencé de bonne heure à créer sa splendide bibliothèque ; au milieu du tracas des affaires, comme plus tard dans la retraite, il ne cessa de l’augmenter, et son fils aîné l’enrichit encore. Elle absorba plusieurs collections d’un grand prix ; pour ne parler que de celles qui avaient été formées sur le continent, nous citerons les bibliothèques d’Auguste Loménie de Brienne, de Pierre Séguier, chancelier de France, et de l’érudit hollandais Jean Vossius. Grâce au journal du bibliothécaire Humphrey Wanley, nous pouvons suivre pas à pas les progrès de la collection. Comme Cotton, Oxford recherchait surtout les documens relatifs à l’histoire d’Angleterre, mais sa curiosité était plus étendue ; il plaça aussi dans ses portefeuilles beaucoup de pièces précieuses ayant trait à l’histoire de la France et d’autres pays. Son fris hérita de ses goûts et continua ses achats. A la mort de celui-ci, en 1741, les manuscrits étaient au nombre de 8,000 et les imprimés d’environ 50,000. Toute la fortune passait à une fille, la duchesse de Portland. Les livres furent vendus et dispersés. Quant aux manuscrits, la duchesse les offrit au parlement contre la somme de 10,000 livres, qui était loin d’en représenter la valeur. On verra comment cette acquisition fut facilitée par le legs de sir Henry Sloane et par le mouvement d’opinion qu’il provoqua.

Deux hommes se partagent l’honneur d’avoir créé ce musée Sloane, qui devint au bout de trois quarts de siècle musée national. Le premier en date, sir William Courten, descendait d’un Flamand qui vint s’établir en Angleterre vers 1570. La famille prospéra, les Courten se firent négocians et armateurs, ils eurent bientôt des navires sur toutes les mers ; mais en 1643, pendant les guerres civiles,