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d’histoire naturelle, elle manquait pour le public, qui devenait de plus en plus exigeant, qui voulait jouir de tout ce qu’avaient laissé à son intention de généreux bienfaiteurs, de tout ce qui avait été acquis avec son propre argent. Le vieil hôtel aristocratique qui avait offert aux collections naissantes un abri si convenable ne suffisait plus à ces vastes répertoires des œuvres de la nature ou des créations du génie humain. Le musée étouffait dans son vêtement de pierre, devenu trop étroit, et le faisait craquer de toutes parts. En vain y avait-on déjà ajouté des bâtimens séparés, comme la galerie Towneley, comme la bibliothèque royale ; une foule d’objets, faute d’espace, ne pouvaient être exposés. On se décida en 1830 à jeter bas Montagu-house, et à remplacer cette habitation par un palais construit tout exprès, sur les plans de l’architecte Robert Smirke, en vue de sa destination spéciale. Ce qui restait d’arbres séculaires tomba sous la cognée ; les pelouses disparurent. L’édifice, avec les maisons destinées aux conservateurs, couvrit tout le terrain qu’occupaient autrefois les jardins. Les travaux marchèrent d’ailleurs lentement par suite de l’insuffisance des premiers crédits accordés et surtout de la nécessité où l’on était de ne déplacer les collections qu’au fur et à mesure de l’achèvement des salles qui leur étaient destinées. L’œuvre, on peut le dire, n’a été terminée qu’en 1856, par la construction de la nouvelle salle de lecture.

Le Musée-Britannique, on l’a vu naître des goûts distingués, de la haute curiosité et des préoccupations patriotiques de quelques hommes éminens, qui devançaient leur pays et leur siècle, tels que les Cotton, les Harley, les Arundel et les Hans Sloane ; on l’a vu, par la secrète puissance des nobles pensées dont il était le symbole, s’imposer à l’indolente froideur de princes étourdis ou grossiers, à l’indifférence d’un parlement et de ministres tout occupés d’affaires, intéresser peu à peu l’opinion publique et finir par obtenir des grands pouvoirs de l’état l’attention bienveillante et les crédits qui lui étaient nécessaires pour vivre et pour grandir. On se prêtera, nous l’espérons, à le suivre avec nous dans ses destinées nouvelles, à partir du jour où, au lieu d’un domicile d’occasion et de rencontre, il a reçu de la munificence nationale un palais que l’on s’est tout au moins proposé de rendre digne, par son ampleur et sa beauté, des merveilles qu’il renferme et qu’il expose si libéralement à l’admiration et aux recherches des artistes et des savans.


GEORGE PERROT.