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les fruits s’étaient largement épanouis sous les prolifiques irrigations du Nil limoneux et alors plein. Cette cueillette sentait rarement l’ardeur du four ; un chaud soleil et la maturité complète des semences rendaient celles-ci assez résistantes pour ne pas s’écraser sous les cylindres défectueux et primitifs du doualib. Il est vrai que l’imperfection de cet appareil d’égrenage était des plus nuisibles au coton lui-même.

Bien que les premières cueillettes fussent emmagasinées de manière à passer avant les suivantes sous les cylindres, l’extrême lenteur du procédé, le manque de bras expérimentés, ne permettaient pas de giner plus de 250 livres de. coton en graines par semaine et par gin ou doualib produisant 80 livres de lainage net. On comprend combien l’accumulation et le séjour prolongé dans des locaux bas et humides, mal aérés, du coton cueilli quotidiennement devaient, par la fermentation lente qui en résultait, nuire à la soie. La dessiccation artificielle n’améliorait rien, loin de là, et malgré toutes les précautions prises le plus beau lainage était maculé de semences écrasées dont il conservait des portions jaunâtres et huileuses. Le duvet lui-même se trouvait saupoudré des fins débris de l’enveloppe première de la noix, et donnait au coton mako moyen et bas l’aspect malpropre qui en resta la marque caractéristique jusqu’à l’introduction par l’auteur de ce travail (1854-55) en Angleterre et en Égypte de l’égreneuse américaine de Mac-Arthy. Cette machine délivre environ 2 quintaux de fibre nette par 10 heures de travail, et comme les ateliers de 25 à 50 gins mus par la vapeur ne sont pas rares, et que le coton ainsi égrené est non-seulement propre, mais acquiert en passant sous les cylindres une régularité ! de soie désirable, on se rend facilement compte de la promptitude avec laquelle une récolte brute de 5,500,000 quintaux peut fournir annuellement au commerce environ 1,800,000 quintaux égyptiens de mako net. Jusqu’en 1853, alors que la vallée du Nil ne produisait que le tiers à peine de cette quantité, le coton d’une récolte, n’était pas fini d’égrener lorsque la campagne suivante commençait ; aujourd’hui le lainage peut aller directement du champ à l’usine. La possession de ce moyen d’égrenage a beaucoup contribué au développement de la culture du mako en Égypte, puisque la récolte commencée en août peut être expédiée et en partie consommée en Europe à la fin de janvier suivant. En outre la graine du coton a pris une place si considérable dans la famille des semences oléagineuses que des cargaisons très nombreuses en sont exportées pour l’Angleterre et la France. Les usines de Douvres seules en consomment la plus grande partie, et l’huile tirée de cette semence, expurgée et clarifiée, rendue insipide et incolore, sert aujourd’hui à sophistiquer dans le midi de la France, A Gênes, à Livourne, à