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actif. La construction de grands monumens comme les pyramides prouve bien que la multitude était soumise ou bien se soumettait d’elle-même à un pouvoir despotique ; mais on n’aperçoit ni abrutissement ni révolte, et au contraire M. Maspero a recueilli de très curieux témoignages de liberté d’esprit et de doutes religieux. Le chapitre 125 du Rituel funéraire lui a offert de belles expressions, qu’il a soigneusement traduites, de bienveillance et même de charité universelle. Son livre tout entier démontre en un mot que la race égyptienne n’a pas été impitoyablement courbée sous la servitude d’un climat ou d’un gouvernement tels que ceux de l’extrême Orient ; il n’y a pas eu de castes ; la femme n’y a pas été enfermée dans le harem ; ces peuples ont connu le commerce, l’industrie, les sciences. Il y a eu là en réalité une race intelligente qui a mérité d’éclore la première à un rôle déterminé dans l’histoire. La première peut-être elle a reçu le don de l’écriture ; mais ce privilège a eu pour elle ses dangers : l’écriture, qui peut favoriser en tous les temps la paresse d’esprit, lui a procuré, ce semble, une maturité trop hâtive ; elle paraît, bien que nous l’ayons vue en possession de quelques hautes idées religieuses, s’être arrêtée dans le commun usage au bon sens pratique, à une morale passablement terre à terre. Elle n’a pas été précisément une grande race, mais une race utile, forte par la discipline et par la durée. Elle a eu après tout les qualités des premiers éducateurs, la patience, la ténacité, le bon vouloir. C’est de quoi expliquer l’intérêt qu’offre l’étude de son passé, et de quoi faire comprendre le grand rôle qu’elle a joué dans les époques primitives.


II

Après le déchiffrement de l’écriture hiéroglyphique, celui des caractères cunéiformes fera le plus grand honneur à la science philologique du XIXe siècle. La découverte de Champollion avait été due à une sorte d’aperception subite de ce puissant esprit ; l’autre conquête ne se fit que pas à pas, depuis les premières tentatives de Grotefend jusqu’aux succès de MM. Westergaard, Rawlinson et Oppert, de M. Joachim Menant et de M. G. Smith. Les heureuses campagnes archéologiques de M. Mariette avaient pourvu la science égyptologique de textes nombreux et variés ; l’assyriologie dispose aussi désormais de pareils documens en séries innombrables, dus pour la plupart aux missions anglaises et françaises dirigées il y a trente ans vers les ruines du grand empire dont Babylone sur l’Euphrate et Ninive sur le Tigre ont été alternativement les puissantes capitales. Nous n’avons pas à redire les courageuses fouilles de notre consul M. Botta sur l’emplacement de Ninive dès 1843, les travaux