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que d’aligner des rimes françaises ou d’estropier sa pensée pour l’enfermer dans des nombres latins.

Partout dans Riom nous remarquons ce même caractère de propreté. Les églises sont bien balayées et sans la moindre trace de moisissures, les édifices publics tenus avec une netteté irréprochable. La ville possède un petit musée ; c’est un modèle de bon arrangement qui fait honneur au conservateur, M. Mandet, magistrat lettré et auteur d’une intéressante Histoire du Velay qui aurait été meilleure encore qu’elle n’est, si l’écrivain eût été mieux convaincu que l’histoire, pour être poétique, n’a pas besoin d’être présentée dans le style des Mousquetaires d’Alexandre Dumas. Une première salle a été consacrée tout entière aux portraits qu’on a pu réunir des hommes illustres de l’Auvergne, et Dieu sait si la liste en est longue, car l’Auvergne a été à cet égard une des provinces les plus fertiles, et une des choses qui attristent le plus le voyageur qui la parcourt aujourd’hui est de remarquer que de tant de gloire il reste si peu de vestiges. La plupart de ces portraits sont des copies malheureusement. Cependant parmi les plus modernes il y en a quelques-uns d’originaux qui ont de l’intérêt. De ce nombre sont un portrait de Chamfort déjà vieillissant et un portrait de Dulaure jeune, qui est tout à fait charmant. On aime parfois à imaginer une relation entre la personne physique d’un écrivain et ses ouvrages ; mais, s’il exista jamais homme dont les écrits soient peu faits pour éveiller l’idée de grâce et de charme, c’est bien Dulaure, l’auteur à tendances jacobines de l’Histoire de Paris. Cette beauté physique, Dulaure la conserva toute sa vie, comme en témoigne un admirable médaillon de David d’Angers que possède le musée de Clermont et qui le représente au déclin ; seulement, à mesure que l’homme avait vieilli, sa beauté s’était dépouillée de sa vivacité et de sa naïveté pour se mouler sur les qualités de l’âme dont elle était le masque inséparable ; ces beaux traits du vieillard ont comme son talent solidité et pesanteur, en sorte que le portrait de la vieillesse confirme la vérité de l’opinion que semblait démentir le portrait de la jeunesse. Marilhat le paysagiste est là aussi avec ses traits d’enfant malingre, sa physionomie étonnée, ses yeux rêveurs et comme distraits, donnant l’idée d’une personne fragile à l’excès, peu faite, pour supporter la fatigue des longs travaux et qui se brisera au premier choc. En dehors de ces quelques portraits, la seule œuvre qui m’ait arrêté au petit musée de Riom est une Sainte Famille de provenance hollandaise traitée dans le goût habituel des peintres des Pays-Bas. Jordaëns par exemple a représenté je ne sais combien de fois ce ménage populaire, le père à son établi, la mère à son rapiéçage, et l’enfant jouant avec les rabots et les scies du charpentier ou s’exerçant à ses travaux