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milieu des tombes romaines. Toutes ces choses, rattachées à la visite des Catalans, forment un brillant épisode dans l’histoire de la nouvelle poésie provençale.

Puis vinrent les institutions littéraires, concours et congrès, les premiers très sagement établis puisqu’il s’agit de donner une direction à la recrue annuelle des jeunes écrivains, les autres beaucoup moins heureux, à mon avis, car ils tendent à faire oublier deux choses dont il faut conserver le souvenir comme une sauvegarde. Quelles sont ces deux choses ? Le sentiment d’où est née cette poésie nouvelle et le but qu’elle doit poursuivre. Quand je vois la philologie érudite, la philologie ambitieuse et contentieuse, chercher à s’emparer de ces poétiques domaines, j’éprouve quelques inquiétudes. Fut-elle représentée par les plus estimables savans, elle me fait peur. J’aperçois ici deux dangers très différens pour l’école des fêlibres, le danger du pédantisme et le danger de l’infatuation. Certes que des savans étrangers s’occupent de la langue de MM. Roumanille et Mistral, qu’un professeur de l’université d’Helsingfors annonce pour son cours de cette année une explication grammaticale du second chant de Miréio, qu’en Allemagne, en Finlande, en Suède, l’idiome renouvelé de la Provence soit étudié avec amour, on ne peut que se réjouir d’une telle victoire. Pareillement il est tout naturel que nos philologues ne restent pas indifférens au réveil d’une langue qui a précédé la langue française, qui produisait déjà des poèmes alors que sa sœur du nord balbutiait, qui du IXe siècle au XIIIe a donné tant de preuves de souplesse et de grâce. Fauriel a fait un cours en Sorbonne sur l’ancienne poésie provençale, M. Paul Meyers complété par ses recherches personnelles les travaux de son illustre devancier, il y a une chaire au Collège de France pour la langue française du moyen âge, il y a une école tout entière, et une vaillante école, où s’enseigne tout ce qui intéresse nos vieilles chartes du nord et du midi ; pourquoi l’idiome séculaire, rajeuni de nos jours par les félibres, ne serait-il pas l’objet d’études attentives et précises ? Rien de plus juste, et pourtant on est toujours tenté de dire aux disciples de M. Roumanille : Prenez garde ! à chacun son lot et sa peine. La tâche du philologue n’est pas la tâche du poète. Que vous êtes-vous proposé, enfans du comtat et du pays d’Arles ? Vous avez eu le dessein de créer une littérature honnête, virile, sérieuse et joyeuse tout ensemble, qui remplaçât pour vos mères, pour vos femmes et vos enfans les écrits misérables nés d’une langue avilie. Que veulent au contraire ceux qui s’appliquent autour de vous à l’étude un peu tumultuaire de ce département des langues romanes ? Ils veulent des textes quels qu’ils soient. Ils fouillent partout sans choix, sans art, et tout ce qu’ils rencontrent