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à mettre habituellement la construction d’accord avec les règles des grammairiens ; c’est une sorte de latin rustique. La date de ces tables ne saurait guère être antérieure au VIIe siècle de Rome. Quant au contenu, il n’était pas difficile de le deviner : tant de noms de divinités et de sacrifices nous annoncent un rituel ; c’est le plus grand monument de liturgie païenne qui nous ait été conservé, Lanzi, il faut en convenir, touche déjà du doigt la vérité ; mais, lorsqu’il s’essaie à la traduction, un instrument essentiel lui fait défaut. Son côté faible, c’est la grammaire : quand il voit dans le pronom tiom (toi) un participe grec signifiant a honoré, » ou quand il fait de la conjonction appei (lorsque) un nom propre, on découvre les lacunes de la science grammaticale d’alors.

Trente ans plus tard, Otfried Muller, dans son grand ouvrage sur les Étrusques (1828), s’occupa des Tables eugubines, et il le fit en philologue supérieur. Il établit d’une façon irréfutable le point capital, déjà entrevu par Fréret et Bonaruoti, que ces inscriptions sont non pas en étrusque, mais en ombrien, et il nie qu’il y ait aucune parenté entre ces deux idiomes. Il commence à tracer les premiers contours de la grammaire ombrienne : il rectifie la lecture de plusieurs lettres. D’autre part ses recherches sur le rituel étrusque furent à ses successeurs d’un utile secours pour le déchiffrement.

Un élève d’Otfried Müller, M. Richard Lepsius, avant de se tourner vers l’égyptologie, publia comme thèse pour le doctorat une dissertation sur les Tables eugubines (1833). Sans aborder directement l’interprétation du texte, il eut le mérite d’élucider quelques questions extrinsèques d’une véritable importance. En premier lieu, il donna une histoire exacte et complète des tentatives qui avaient été faites jusque-là pour arriver au déchiffrement ; à la suite de ce préambule historique viennent deux chapitres sur l’alphabet ombrien : même après Otfried Müller il restait encore à faire sur ce point. Passant ensuite à la question de l’âge des tables, il suppose que les différences d’orthographe qu’on remarque entre les diverses inscriptions ont pour cause un changement survenu dans la langue, que les inscriptions en caractères étrusques doivent, par ce fait même, être regardées comme les plus anciennes, et qu’un espace de deux siècles au moins les sépare des inscriptions en caractères latins, qui sont du VIe siècle de Rome. D’après ces prémisses, il propose une classification des tables différente de celle de Bonaruoti. Plus tard Lepsius eut encore le mérite d’aller prendre lui-même sur les lieux et de publier le fac-simile complet des inscriptions.

Dans le même temps où Lepsius publiait son premier travail, un éminent indianiste, M. Christian Lassen, faisait paraître un essai