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de l’Histoire phénicienne de Sanchoniathon. Quant aux mots mêmes de la langue, les noms propres, les gloses, les légendes monétaires, des vers puniques du Pœnulus de Plaute en ont seuls conservé un certain nombre, qu’augmentent chaque jour les découvertes et le déchiffrement des textes épigraphiques. On en sait assez pour reconnaître, avec quelques bons juges antiques, l’unité fondamentale de la langue des Cananéens et des Hébreux. Ces deux idiomes sémitiques dérivent d’une seule et même langue plus ancienne, appartenant au groupe des Sémites du nord : le phénicien et l’hébreu sont sortis comme deux rameaux du vieux tronc cananéen.

A dire vrai, ce n’est qu’au temps du nouvel empire, sous la dix-huitième dynastie, au XVIIe siècle avant notre ère, que la contrée maritime de Kefa ou Kefta, la Phénicie, est expressément désignée dans les textes hiéroglyphiques. Jusqu’à cette époque, les scribes ne désignaient point les peuples par les noms qu’ils se donnaient eux-mêmes : sous les Ramsès seulement la langue de l’Égypte admit un certain nombre de ces noms d’origine étrangère. Et cependant Sidon était alors à l’apogée de sa puissance ; reine des villes phéniciennes de la côte, bien que vassale des Égyptiens, elle fournissait à Thotmès III les flottes sur lesquelles ce pharaon, le plus grand qui fut jamais, conquit Chypre et la Crète, les îles méridionales de l’Archipel, les côtes de la Grèce et de l’Asie-Mineure. Les Aradiens, rebelles endurcis, qui toujours ont formé un petit monde à part en Phénicie, exportaient en Égypte des bois de construction, comme plus tard les Tyriens à Jérusalem ; ils fabriquaient des barques qu’on appelait « phéniciennes » aux bords du Nil. Dans les peintures du tombeau de Rekhmara, à Thèbes, où les chefs de la Phénicie et des îles viennent apporter des présens à Thotmès III, ce n’est plus deux bouquetins qu’ils offrent, comme au bas-relief du tombeau de Noumhotep, ce sont de magnifiques vases de métal, aux formes élégantes et puissantes, des colliers de grains oblongs alternant avec de petits grains ronds, des pierres précieuses, de l’or en anneaux, des parfums, des dents d’éléphant, bref tous les produits que l’opulente Sidon vendait au monde entier, et qui attestent dès lors son commerce avec l’Inde, l’Arabie et l’Afrique.


I. — LE PAYS.

C’est par le nord que M. Renan commença les quatre campagnes de fouilles dont la mission de Phénicie devait se composer. Ces quatre grandes explorations, correspondant aux centres principaux de la civilisation phénicienne, sont celles de Ruad (Aradus), de Gébeil (Byblos), de Saïda (Sidon) et de Sour (Tyr).

L’île de Ruad, qui porte encore comme au dixième chapitre de la