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voix et par l’exemple. L’opération essentielle, qui est de tuer la victime, n’est même pas mentionnée une fois. Ces inscriptions se proposent surtout d’énumérer les objets à fournir par les différentes personnes occupées au sacrifice, et notamment par l’adfertor, ainsi que de fixer la taxe des redevances qu’il percevra sur les croyans après chaque opération, et dont une partie doit être versée dans la caisse de la communauté. On comprend que des indications de ce genre aient été mises par écrit et affichées dans le temple pour éviter les contestations et pour assurer les droits de chacun.

Cet ensemble de circonstances ne nous transporte pas précisément dans un temps de grande ferveur religieuse, mais plutôt vers une époque de décadence, où l’ancien culte, abandonné à des mains intéressées, se propose surtout de maintenir, à l’aide de son rituel, un certain nombre de droits fiscaux. Cette particularité peut nous aider à pressentir l’âge des inscriptions. Un autre indice nous est donné par la forme des lettres. A cet égard, les tables en écriture étrusque ne peuvent être d’un grand secours, car ce que nous savons jusqu’à présent de l’épigraphie tyrrhénienne est trop peu de chose pour fournir des dates certaines. Il n’en est pas de même pour les tables en écriture latine : d’après certains signes bien connus, tels que l’emploi fréquent des lettres doubles, nous pouvons fixer l’âge approximatif de ces tables à la fin du VIIe siècle de Rome. Si nous reculons encore la limite, ce qu’il est prudent de faire pour des inscriptions qui appartiennent à une ville de province, nous arrivons au règne d’Auguste. C’est le temps où, sous l’inspiration du maître, les vieux cultes étaient partout remis en honneur[1]. Les autres tables sont certainement plus anciennes : on ne sera sans doute pas loin de la vérité en les attribuant au II* siècle ou au plus tard au commencement du Ier siècle avant Jésus-Christ; différens indices doivent faire penser qu’une partie d’entre elles sont des copies de documens d’un âge antérieur.

La lecture de ces textes rappelle à l’esprit une autre série de textes, ceux-là en langue latine, qui offrent avec nos tables une ressemblance frappante. Nous voulons parler des actes du collège des frères arvales. Un hasard pareil à celui qui nous donna les Tables eugubines fit retrouver vers la fin du siècle dernier, à quelques milles de Rome, l’emplacement du temple des Arvales, ainsi qu’un grand nombre d’inscriptions qui le décoraient. Il y a huit ans de nouvelles fouilles pratiquées au même endroit augmentèrent notablement le nombre des inscriptions, de sorte qu’à certaines lacunes près nous pouvons dire que nous possédons les archives du

  1. Gaston Boissier, la Religion romaine d’Auguste aux Antonins, livre Ier, chap. Ier.