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hommage, mais la foule des écrivains « à sensation, » dans laquelle il ne peut se ranger sans déchoir. Pourquoi, lorsqu’on est capable de tracer des figures aussi originales dans leur perversité que Pennina ou Théodosie, se faire l’historien après tant d’autres des aventures galantes d’une demi-mondaine vulgaire telle que Marie Peneke, cette sœur dégénérée de la Madelon de M. About ?

Abandonnée par Plant, Marie, après avoir enseveli son père adoptif, se met à la fenêtre et contemple le ciel nocturne. Quels sentimens remplissent son cœur ? Le chagrin, le repentir ? Non, elle sourit en comptant les étoiles et se dit que ce sont autant de diamans qui vont bientôt briller sur ses épaules nues. Le travail, la médiocrité, lui font horreur, elle quitte sa ville natale et s’en va chercher fortune. Les planches d’un théâtre lui serviront de piédestal elle se soumet aux conditions du premier directeur qui lui dit : — Avec votre beauté, vous n’avez pas besoin de talent, mais je ne souffre pas que mes pensionnaires soient mal vêtues ; la toilette, c’est le succès. Je vous paierai donc cher tant que vous n’aurez pas trouvé un protecteur.

Le protecteur est trouvé dès le soir des débuts. Marie, qu’on nomme sur l’affiche Valéria Belmont, devient du jour au lendemain à la mode ; elle étudie ses rôles entre deux soupers, joue mieux qu’il n’est nécessaire pour établir sa réputation et voit tous les journaux épuiser l’hyperbole en son honneur, car une actrice jolie et riche a plusieurs moyens, paraît-il, à Berlin comme à Vienne, de se rendre la presse favorable. Presque tous les premiers romans de Sacher-Masoch montraient, nous l’avons dit, l’asservissement d’un homme faible et passionné par une magicienne aux philtres de laquelle il ne pouvait résister, dût-il être conduit à la honte, à la mort. Cette puissance que la femme exerçait ainsi sur un seul, la fille va l’exercer sur tous ; le nombre des esclaves de Valéria sera légion, elle régnera sur les ruines de ce monde gangrené où rien de pur ne reste debout pour que nos regards fatigués de tant de turpitudes s’y reposent, fût-ce une seconde. Les amours d’Andor et de Hanna pourtant ? .. — Ils commençaient bien en effet ; nous allons voir le dénoûment.

La famille Teschenberg, très nombreuse et pauvre, est dévorée par la vanité ; elle mène assez grand train en apparence, quitte à se nourrir, les portes fermées, de harengs et de pommes de terre. Le monde appelle cette façon de cacher sa misère sous des oripeaux dorés du tact et du savoir-faire, mais un jour vient où la vérité se révèle, et Hanna doit accepter, pour aider sa famille, une place d’institutrice au loin. Les parens, dans leur prudence, jugent que cet éloignement mettra fin à une idylle qui leur déplaît, car leur fille,