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imposante lorsqu’on en vient au fait ? Elle aboutit à deux conséquences également graves.

Certes, s’il y a un mal qui ait tristement paralysé les intentions souvent honnêtes, les efforts souvent généreux de l’assemblée qui est encore à Versailles, c’est le conflit organisé et permanent des prétentions de partis, c’est l’esprit de division. Il s’est trouvé que dans cette malheureuse assemblée tous les partis ont été assez forts pour se neutraliser mutuellement ; aucun d’eux n’a été assez puissant pour dominer les autres, pour créer une majorité sérieuse et surtout durable, pour accomplir jusqu’au bout, avec suite, un dessein politique. Or ce qu’on propose aujourd’hui, ce qu’on essaie de faire triompher dans les élections sénatoriales, ce qu’on voudrait faire triompher dans les élections auxquelles le pays va être appelé, c’est tout simplement la continuation indéfinie de cette situation dont l’impuissance a été presque toujours le dernier mot ; c’est une sorte de prorogation organisée des divisions, des incertitudes et des agitations dans les assemblées nouvelles. Sous ce nom « d’union conservatrice, » c’est une coalition perpétuée de légitimistes, de bonapartistes, de conservateurs timorés, gardant les uns et les autres leurs prétentions, et alliés indifféremment contre le radicalisme ou contre de simples et modestes partisans de la constitution, à qui l’on dit fièrement : « Je n’ai jamais été avec vous, je ne serai jamais avec vous ! » Au fond, ce n’est rien de plus, et c’est là ce qu’on donne pour une « politique résolument conservatrice ! » Il y a une autre conséquence qui n’est pas moins grave. Lorsqu’on prononce d’une certaine façon ce mot d’union conservatrice, en affectant de voiler le caractère plus ou moins définitif d’un régime constitutionnel naissant, en laissant aux partis la liberté de leurs espérances ou de leurs brigues pour ne leur demander qu’un appui momentané, pour leur proposer une sorte de pacte dans le péril social, est-on bien sûr de ce qu’on fait ? Ne s’expose-t-on pas à entretenir des inquiétudes qui peuvent devenir des impatiences dangereuses ? Sait-on en définitive à qui doit profiter cette « union » interprétée par les opinions contraires ou par des passions toujours habiles à se servir de tout ? L’empire ne sera point certes relevé par le sentiment public, encore ému des épreuves de la guerre. L’empire se présentant à découvert, avec son drapeau et les souvenirs des malheurs qu’il a causés, n’est point un péril ; mais il a laissé dans le pays des impressions de prospérité matérielle, des cliens, des influences familières aux populations et à peu près restaurées depuis deux ans ; il a créé des notabilités locales qui se présentent d’elles-mêmes, qui offrent au gouvernement la tentation de chercher par elles un succès plus facile, qui se couvrent naturellement de ce mot d’union conservatrice. Voilà des candidats tout trouvés pour une administration qui veut réussir. Ce ne sont pas pour le moment des bonapartistes, si l’on veut, ils se-