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favorisées une source nouvelle de richesse[1]. C’est ainsi que les stations britanniques de Darjeeling dans l’Himalaya, d’Ootakamund dans les Neilgherries, et d’Akgalle dans l’île de Ceylan, annexes de grands jardins de Calcutta, de Madras et de Peradenia, sont devenues les centres de la culture des quinquinas, arbres précieux que l’Amérique espagnole détruit en les exploitant sans contrôle, et que l’Angleterre et la Hollande propagent avec méthode en leur donnant sur les montagnes de l’Inde continentale et de Java une patrie adoptive aussi clémente et plus sûre que leurs montagnes natives des Andes. Sans insister davantage sur l’utilité générale de ces jardins coloniaux, où la botanique se fait l’auxiliaire intelligente et souvent l’initiatrice trop vite oubliée de toutes les branches de la culture, on peut trouver dans le jardin botanique de Melbourne un exemple frappant et vivant de ce genre d’utilité. C’est là que depuis vingt ans affluent comme sujets d’expérience tous les végétaux des régions tempérées du globe, là que se concentre le principal effort des études de la flore australienne tout entière[2]. De là sont parties pour tous les jardins botaniques ou d’acclimatation du monde des masses incalculables de graines, des plantes vivantes, les unes d’intérêt purement scientifique, d’autres destinées à la décoration des jardins, d’autres enfin dont l’importance économique est destinée à s’accroître, à mesure que les essais de culture en auront déterminé nettement les conditions d’existence dans les régions nouvelles où l’homme les a transplantées.

Ici nous devons ouvrir une parenthèse et traiter succinctement la question de la naturalisation des plantes. Acclimatation semble être le mot consacré pour désigner ce changement de patrie que la volonté de l’homme impose aux végétaux non migrateurs. Ce mot, tel qu’il est conçu par le public, tel qu’il est défini par les dictionnaires et par son étymologie, implique une méconnaissance profonde de la nature propre et, si l’on peut dire ainsi, du tempérament des plantes. Les animaux eux-mêmes, bien que l’échelle de résistance d’un certain nombre soit très étendue et que, pour les espèces domestiques, les soins de l’homme combattent dans une certaine

  1. Voyez sur la vigne en Australie une intéressante note de M. Ramel, Bulletin de la Soc. d’acclimat., novembre 1862. D’après un article du Journal of the Soc. of Arts, la production totale des colonies de l’Australie aurait été en 1872 de 87,131 hectolitres de vin.
  2. Ceci soit dit sans vouloir diminuer l’importance du jardin botanique de Sidney, longtemps le seul ou le principal de la colonie ; mais la prépondérance est aujourd’hui passée à Melbourne, depuis surtout que les publications botaniques de M. Mueller (Fragmenta phytographiœ Australiœ, 7 vol. in-8o, et Plants indigenous to the colony of Victoria, in-4o avec planches) en ont fait un véritable centre scientifique pour la botanique australienne.