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plantes, tempérament du sujet à introduire, nature du climat auquel ce sujet doit être soumis, il faut qu’il y ait accord en quelque sorte préalable. Compter sur une modification du climat n’est chose vraie ni en pratique ni en théorie, au moins dans une période restreinte de temps et en dehors de quelques fluctuations passagères ou de quelques modifications dans le tapis végétal de la contrée ; attendre de la plante même un changement de nature est chose plus chimérique encore : la vraie théorie et la vraie pratique, c’est de consulter la nature, de bien étudier les équivalences ou tout au moins les grandes analogies de climat, de présumer en gros les possibilités générales d’une naturalisation donnée, enfin et surtout de faire des expériences pour établir sur des preuves la manière dont tel végétal se comportera sous le climat nouveau, qui doit lui conserver ou lui refuser des conditions normales d’existence. Des problèmes aussi complexes ne se résolvent jamais a priori : il y faut tout un ensemble de données dont il est parfois difficile de ne pas négliger quelqu’une, et c’est juste par celle-là qu’avortera la combinaison en apparence la plus assurée.

Au premier abord, il semble que, si les plantes d’une région s’introduisent et se naturalisent facilement dans une autre, la réciproque devrait être vraie, et les plantes de la seconde région se naturaliser dans la première. Rien n’est plus faux néanmoins, et les botanistes en savent bien la raison. Tandis que les plantes sauvages ou cultivées de l’Angleterre se sont introduites en grand nombre en Australie, et y sont passées la plupart à l’état de mauvaises herbes, pas une seule plante australienne ne s’est propagée en Angleterre, en dehors des jardins d’ornement, où la culture les élève par milliers. L’hiver anglais n’est pas assurément le seul obstacle à cette naturalisation des plantes de l’Australie ; il épargnerait au moins celles qui sont annuelles et qui se ressèmeraient de leurs graines ; mais l’obstacle vient moins des circonstances purement climatologiques que des conditions internes, des besoins, des habitudes de chaque plante. Il est des types essentiellement migrateurs, qui se répandent partout où le climat ne leur oppose pas une sorte de veto ; il en est d’autres dont le caractère, si l’on peut hasarder cette métaphore, est essentiellement casanier et sédentaire : les premiers ont des habitudes envahissantes, oppressives même pour la végétation autochthone, les autres, cantonnés en quelques recoins d’une région limitée, sont livrés sans défense aux attaques de l’homme, des animaux importés (chèvres, lapins, etc.), ou même à la concurrence fatale de végétaux étrangers. C’est ainsi que de nos jours quelques genres frutescens de synanthérées ou de malvacées de Sainte-Hélène, absolument