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surtout examiner la forme de la tête chez ; beaucoup de vieillards chauves ou d’enfans rasés. La nuque se relève presque droite, puis forme avec les pariétaux un angle légèrement obtus ; la région occipitale est très développée, tandis que le sinciput et l’os frontal déprimés aboutissent presqu’en ligne droite à l’arcade sourcilière. En même temps leurs maxillaires inférieurs très forts prolongent en avant la saillie que la boite osseuse fait en arrière, de sorte que la tête semble reposer sur le cou comme une vergue rectiligne inclinée à 45° sur le mât qui la soutient par le milieu. Suis-je en présence de ces dolichocéphales signalés dans l’âge de pierre ? Quant aux sutures, elles n’offrent aucune différence avec celles du crâne européen, s’il en faut croire un savant zoologiste allemand entre les mains duquel j’ai vu des spécimens, et qui repousse la théorie précédente.

Si tels étaient nos aînés sur le globe, il faudrait convenir que le temps ne leur a pas appris grand’chose. Les seules cultures qu’on voie autour de leurs huttes, ce sont quelques fèves, quelques épis de maïs, des racines comestibles, du sarrasin et des pommes de terre. Quant à leurs industries, on les connaît déjà : bâtir une hutte de feuillage, tresser des nattes de roseaux, préparer des engins de chasse et de pêche, tailler grossièrement une pirogue, tisser des écorces d’arbre, coudre avec un fil de chanvre des peaux de daim, voilà tout ce qu’ils savent, mais voilà ce qu’ils savent tous. L’existence primitive a cela de remarquable, que la division du travail née de la solidarité sociale, y est inconnue. Chacun sait tout ce qu’il a besoin de savoir, et peut se suffire à lui-même. Nul ne prospère en mettant son industrie au service d’autrui, nul ne perfectionne un art qu’il a tout juste le temps d’apprendre au milieu de tant d’autres. Leur véritable nourricière d’ailleurs, ce n’est pas la terre, c’est l’eau, voici comment ils pèchent le saumon : d’ans les cours d’eau principaux et dans les tributaires, ils établissent des barrages en forme de flèche, la pointe dirigée vers, le courant ; au. sommet se trouve : un large réservoir palissade, surmonté d’une plates-forme ; le saumon suit d’instinct le barrage qui lui fait obstacle et vient s’encager lui-même. Il est alors harponné par des hommes placés sur la plate-forme ; mais les crues arrêtent souvent des troncs d’arbres qui, rompant ce barrage, interrompent la pêche et ouvrent un passage au poisson vers le cours supérieur, dont il ne peut franchir les rapides que par les grandes eaux. Les Aînos ne sont soumis pour la pêche à aucun impôt. C’est à noter ces souvenirs que je passe la nuit, et le soleil, qui se lève radieux après une nuit de pluie, me trouve debout et prêt à partir. La famille de mes hôtes se réveille lentement ; je cherche en vain dans