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anse tranquille à laquelle il ne manque que la profondeur. Morran était autrefois sur la rive opposée, mais la route n’y pouvait aller commodément à travers un marécage ; d’un coup de baguette, on a transporté le village au pied de la falaise, on a bâti des maisons pour les habitans, on leur a payé les frais de transport et alloué à chacun 100 rios d’indemnité. Cela s’appelle maintenant Shin-Morran (le nouveau-Morran) et forme la tête de ligne du deuxième tronçon de la route. Pour regagner Mori et le premier tronçon déjà parcouru, il faut traverser la Baie du Volcan sur une largeur de 15 ris. On voit se balancer dans la rade une petite chaloupe à vapeur destinée à ce service ; mais elle est en réparation ; une autre doit arriver et repartir le lendemain. J’ai tout loisir de parcourir ce petit promontoire, d’où la vue embrasse une vaste étendue de mer et peut se reposer sur le coquet village nouvellement bâti et reflété dans son petit lac marin, tandis qu’au loin le volcan d’Ushi-no-yama (la montagne du bœuf) dresse son sommet bifurqué à la façon des cornes d’un taureau. Malheureusement le bateau se fait attendre, comme il convient à tout service japonais, pendant trois jours, et dès le premier il tombe une pluie qui me confine dans une assez maussade auberge.

Enfin le matin de la délivrance a lui. Une barque ornée d’une machine à vapeur siffle à perdre haleine non loin de la jetée, où elle ne peut aborder faute de profondeur. On s’entasse sur le pont, on se met en route, voiles dehors. La sortie de la rade d’Endermo est charmante ; mais au milieu de notre course, après quatre heures de traversée, le vent change, et l’on s’aperçoit que la machine n’est pas assez forte pour avancer malgré la brise. Le pilote me fait la politesse de me demander ce qu’il faut faire, et j’avoue mon embarras. Le hasard veut que le vent change de nouveau et nous porte à Mori, où nous arrivons après douze heures employées à faire quinze lieues. J’ai soigneusement pris en note le nom des constructeurs de la machine.

De Mori, je n’ai plus qu’à recommencer une route déjà faite ; mais je profite d’une journée de beau soleil pour faire l’ascension du Komaga-také, qu’en venant j’ai laissé sur la droite. Ce n’est qu’une promenade à cheval, puisqu’on arrive sans quitter la selle jusqu’au bord même du cratère. Ce n’est point ici, comme à l’Asamayama, une vaste cuve fumante, au fond de laquelle on entend mugir la lave, mais si l’impression est moins grande, en revanche on peut examiner de plus près le travail volcanique. Autrefois le cône était par-, fait, mais dans une éruption une des sections, vers l’ouest, s’est effondrée, en retombant dans le cratère, qu’elle a comblé, et laissant ouverte une vaste échancrure vers la mer. C’est par cette issue,