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Assurément ce n’est point impossible, si on le veut un peu fermement, si l’on commence par congédier les préjugés et les méfiances, si l’on aborde les questions simplement et franchement, si l’on cherche les élémens de solution et de transaction là où ils sont au lieu de s’épuiser à combiner des choses inconciliables. Il faut tout au moins savoir ce qu’on veut faire, dans quelles conditions on veut le faire. Et d’abord ce serait une bien étrange illusion de se figurer, après tout ce qui s’est passé, qu’on peut arriver à un résultat quelconque en se tournant encore une fois vers l’extrême droite et les bonapartistes, en essayant de reconstituer une majorité du 24 mai, fallût-il pour cela sacrifier une partie des lois constitutionnelles. Y a-t-on songé sérieusement ? Sur ce point, l’expérience est certes complète, on sait à quoi s’en tenir. Ce serait prolonger de parti-pris l’équivoque dont on souffre aujourd’hui en donnant pour auxiliaires au gouvernement qu’on prétend organiser ceux qui sont les-premiers à vouloir le maintenir dans la situation précaire et incertaine où il se débat si péniblement. Et à quoi aboutirait-on en sacrifiant la seconde chambre, dont ne veulent ni l’extrême droite ni les bonapartistes, pour ne conserver dans le programme que la loi électorale et le droit de dissolution, qui ne serait pas refusé à M. le maréchal de Mac-Mahon ? Ce serait justement sacrifier le plus essentiel et faire le présent le plus dangereux à M. le président de la république en le laissant armé de ce droit redoutable de dissolution en face d’une assemblée unique, souveraine. Ce serait au premier dissentiment un conflit organisé sans contre-poids, sans pouvoir modérateur, et ce qui se passe depuis un an est un spécimen de ce qui se passerait dans ce singulier régime mêlé de dictature et de souveraineté parlementaire. La seconde chambre, la loi électorale, le droit de dissolution, toutes ces choses sont inséparables dans une organisation à demi régulière, elles restent dans leur ensemble le seul programme possible d’une majorité sérieuse et du gouvernement.

Est-ce que l’esprit de modération et de prévoyance serait tellement affaibli, tellement aveuglé par les passions de parti, qu’il ne pût se trouver, même dans l’assemblée de Versailles telle qu’elle est, des forces parlementaires suffisantes pour faire prévaloir cette politique ? Après tout, il ne faut pas s’exagérer les impossibilités. L’extrême droite, si bruyante qu’elle soit, ne dépasse guère 50 membres, la droite modérée n’a pas plus de 90 représentans, les bonapartistes sont à peu près au nombre de 30, et il y a peut-être de 50 à 60 radicaux : tout le reste, centre droit, centre gauche, même une partie de la gauche modérée comme aussi de la droite modérée, tout cela n’est point inaccessible à la raison et peut se prêter aux transactions nécessaires. La vérité est, si on veut bien l’avouer, que souvent les difficultés sont moins encore dans les questions elles-mêmes que dans l’esprit de méfiance et de sus-