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locale ne dépassant pas la banlieue. Telle quelle, cette industrie avait pourtant excité quelques jalousies dans le sein de la communauté ; elle donnait, à ce qu’il semble, de trop gros bénéfices et tendait à investir ceux qui l’exerçaient d’une sorte de patriciat. Un parti se forma dès lors pour combattre ce moyen d’acquérir une richesse qui jurait avec la condition modeste des autres citoyens. Le magistrat fut mis en demeure d’aviser, et, cédant au vœu de la majorité, il rendit en 1740 un édit qui limitait pour chaque atelier le nombre des pièces qui pourraient en sortir annuellement ; c’était presqu’une loi somptuaire. comme toujours, elle trompa les calculs de ceux qui en avaient été les instigateurs. L’amende était faible, le profit de fabrication considérable ; il y eut de nombreuses contraventions qui restèrent impunies, si bien que l’édit, mal obéi, tomba promptement en désuétude.

La fabrication de ces draps communs allait d’ailleurs rencontrer un concurrent plus sérieux dans l’industrie des toiles peintes, comme on la nommait alors. Le génie des découvertes devait bientôt l’introduire à Mulhouse comme dans un foyer de prédilection. Ce fut en 1746 en effet que se fonda la première fabrique d’indiennes, autre nom technique qu’a consacré la tradition, et qui eut pour associés Samuel Kœchlm, Jean-Jacques Smalzer et Jean-Henri Dollfus. Or voici comment entre eux se partagèrent les rôles. L’idée première appartient à Smalzer, qui avait séjourné pendant quelques années en pays étranger dans une maison faisant le commerce des toiles peintes qu’elle tirait de la Hollande. A son retour, il proposa à Henri Dollfus, peintre, de fonder en commun un établissement de ce genre, et, faute de fonds suffisans, ils s’adjoignirent Samuel Kœchlin, négociant expérimenté, qui se chargea de les fournir. Telle est, dans ses termes les plus exacts, l’origine de l’industrie du coton en Alsace, et en même temps celle de l’indienne en France, sur laquelle il y avait jusqu’ici quelques variantes. Il paraît en effet prouvé qu’avant de fonder son établissement de Jouy le célèbre Oberkampf avait travaillé dans les ateliers de Samuel Kœchlin. A Mulhouse, sur les lieux mêmes, avec des papiers de famille en main, ces questions délicates de priorité ont pu être fixées mieux que partout ailleurs et après une vérification plus complète.

Quoi qu’il en soit, dès le milieu du XVIIIe siècle, l’industrie des toiles peintes prit pied dans la Haute-Alsace, et, dès ses débuts, s’empara non-seulement du petit marché où elle est née, mais du marché général. A Mulhouse, ce fut un véritable engouement, et il faut dire que toutes les circonstances locales s’y prêtaient. L’eau de la Doller était excellente pour les teintures et assez abondante pour suffire aux besoins de plusieurs établissemens. Manquait-on