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comportait l’établissement. Ce n’est que plus tard qu’elles furent introduites en Alsace, et il faut arriver à 1803 pour trouver la première en activité à Wesserling chez MM. Bourcart et Cie. Les moteurs et les transmissions avaient été livrés par M. Scipion Perier, ingénieur à Chaillot, et les métiers à filer par M. Collas, constructeur de machines à Paris. A partir de cette initiative, un ébranlement général s’empara des hommes qui dans la Haute-Alsace s’occupaient d’industrie. Presque tous les noms voués à quelque célébrité datent de ce moment, les Kœchlin, les Dollfus Mieg, les Schlumberger ; on monta des métiers à Bollwiller, à Willer, à Massevaux, à Mulhouse et à Dornach, entre 1805 et 1811. C’est dans cette dernière année, et chez MM. Dollfus Mieg et Cie, que parut une machine à feu en remplacement du moteur hydraulique. Ce dernier emprunt était fait, comme les autres, aux découvertes anglaises, et on pourrait dire en formait le complément. Avec le feu, plus de ces irrégularités auxquelles l’eau condamnait les industries, plus de chômages, plus de mécomptes dans la livraison des produits ; on pouvait régler jour par jour la mesure du travail et l’ordre des échéances. Aussi le moteur à feu devint la règle, le moteur à eau l’exception ; dans certains cas et pour des localités favorisées, on les employait alternativement dans un régime mixte. On conçoit à quels développemens cette condition de sécurité poussa dès lors la filature du coton. Dès 1828, elle possédait dans le Haut-Rhin près de 500,000 broches, et ce n’était qu’un faible à-compte sur ce que lui réservait une activité incessante.

Un autre progrès restait à obtenir dans la qualité des fils. Jusque-là on avait marché en tâtonnant et avec des métiers imparfaits. En tirer d’Angleterre était impossible ou très difficile du moins. Sous l’empire de préjugés qui ont disparu, la législation anglaise punissait encore par des lois très sévères l’exportation de ses instrumens, obligeant ainsi la France à se suffire avec ses propres ressources. Pour les numéros des fils, on ne dépassait guère en Alsace 28 ou 30 métriques. Sans rester sous le poids d’une infériorité écrasante, il fallait relever de là l’art de nos ingénieurs. C’est ce qu’entreprirent en 1817, avec un rare courage et une opiniâtre persévérance, MM. Nicolas Schlumberger et Cie. Par quels moyens arrivèrent-ils à leur but ? C’est resté leur secret, mais on peut dire que jamais résultat plus complet ne suivit un effort plus heureux. Vers la fin de l’année, on put assembler à Guebwiller toutes les pièces de la première filature en fin qui ait paru dans le Haut-Rhin, et qui est depuis restée comme type et comme modèle. Rien n’y faisait disparate, pas plus la perfection des métiers que la qualité des produits qu’on en obtenait ; c’était une belle et bonne invention venue d’un